• Formes d’expression alternatives sur les murs de la ville pendant la période de la crise

    Tandis que l’économie grecque peine à se redresser, le mécontentement social s’exprime de façon énergique dans les slogans tracés sur les murs des zones urbaines [1].

    Au cours de la crise, les murs de certains quartiers centraux d’Athènes se sont transformés en plateformes d’expression libre. Les graffitis et les slogans sont des modes d’expression alternatifs qui servent souvent à exprimer certaines revendications, et témoignent de l’état d’esprit de divers groupes sociaux. Par ailleurs, la physionomie des utilisateurs de ce mode d’expression est influencée par le fait que les représentations picturales extérieures non officielles sont considérées comme des actes illicites par les autorités dans la mesure où elles occupent sans autorisation une partie de l’espace urbain.

    Ce texte rend compte des « vibrations de la ville » tels qu’elles résonnent dans l’esprit et le psychisme de ses auteurs suite à une « dérive » expérimentale dans des quartiers centraux d’Athènes. Comme nous le verrons, les phrases qui sont inscrites sur les murs reflètent un large éventail d’opinions ainsi que la diversité des réactions de certains groupes locaux aux évolutions récentes.

    Bien que le cyberespace puisse être désormais considéré comme l’un des principaux environnements de la communication moderne, en pratique les hommes continuent d’interagir entre eux dans le cadre de l’espace réel et physique de la ville. Selon Park (1925), les grandes villes ne sont pas simplement et uniquement des constructions et des mécanismes artificiels, elles expriment dans le même temps la nature humaine. Lefebvre en particulier pensait que l’espace urbain appartient de façon indiscutable à la sphère politique puisque des groupes sociaux différents et aux intérêts opposés aspirent à sa gestion et à son exploitation (Lefebvre, Enders 1976). Selon Negri (2009), l’ « industrie architecturale » actuelle, en lien avec celles de la mode et du cinéma, contribue à réprimer toute éventuelle action de résistance à l’ordre établi, en projetant une « lumière artificielle » sur tous les aspects de notre vie. Mais, en définitive, comme le soutient Harvey (2003), tant individuellement que collectivement, nous sommes tous des architectes. Il nous appartient donc de réaménager l’espace urbain. Tous les êtres humains ont « le droit à la ville » (Lefebvre 1996).

    Les mouvements sociaux ont souvent recours à des méthodes radicales contre les structures du pouvoir. Atton (2001) a souligné le fait que les « moyens de communication alternatifs » rendent possible une communication démocratique pour des individus que les médias dominants ont exclus, tandis que Downing (2001, 2008) a qualifié de « radicaux » les moyens de communication utilisés par les mouvements sociaux. De plus, dans la théorie qu’il a développée au sujet des moyens de communication alternatifs, il inclut dans ces derniers la production artistique et les pratiques culturelles, tels que le théâtre de rue, les tatouages, les habits, les graffitis et bien d’autres. Dans le même ordre d’idées, Fuchs (2010) a également intégré dans la catégorie des « moyens d’expression critiques » les affiches, les fresques murales urbaines et les graffitis, soulignant que leur contenu présente des « possibilités d’existence étouffées » exprimées par des individus ou des groupes dominés.

    Dans la vie quotidienne, il est incontestable que l’espace urbain s’est transformé en une plateforme communautaire ouverte, qui présente des représentations picturales différentes par leurs formes et leurs contenus, transmettant des messages attirant souvent notre attention et nous invitant à la rêverie. Les publicités extérieures, les panneaux d’affichage municipaux, la signalisation routière, les graffitis légaux, entre autres, peuvent être considérés comme les vecteurs dominants de la communication visuelle urbaine. Au contraire, les moyens d’expression alternatifs incluent toutes les expressions extérieures non officielles, telles que les slogans sur les murs quel que soit leur contenu (politique, sportif ou existentiel), les affiches collées de façon sauvage, les graffitis, les autocollants, etc. C’est pourquoi, dans ce texte, lorsque nous parlons de représentations picturales extérieures non officielles, nous faisons référence à l’ensemble des expressions non institutionnelles, quelle que soit leur forme, qui sont réalisées sans autorisation sur les murs, les panneaux, les véhicules de transport collectif ou autres. Les représentations picturales extérieures non officielles remettent clairement en cause les structures de pouvoir existantes et font partie, en tant qu’activité de communication, des moyens d’expression radicaux.


    https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/formes-dexpression-alternatives
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