• Police : en Essonne, les « baqueux » ont le moral dans les chaussettes
    http://www.leparisien.fr/essonne-91/police-en-essonne-les-baqueux-ont-le-moral-dans-les-chaussettes-20-03-201

    Une vingtaine de fonctionnaires auraient rédigé des rapports pour annoncer leur souhait de quitter les brigades anticriminalité de la police nationale. En cause, outre la pression des chiffres, un rythme de travail qui laisse peu de place à la vie privée.

    Jonathan* a une dizaine d’années d’ancienneté en brigade anticriminalité. « J’aime mon métier », affirme-t-il. Pourtant, comme une vingtaine de ses collègues de l’Essonne à Arpajon ou Evry, il a rédigé un rapport pour émettre le souhait de quitter ce service, voire même la police nationale. En cause, une pression pour réaliser toujours plus d’interpellations… mais pas que.

    Depuis l’automne dernier et le guet-apens dans lequel sont tombés deux fonctionnaires de la BAC de Draveil à Vigneux-sur-Seine, de nouvelles directives ont été données aux policiers patrouillant en civil. Ils doivent notamment être trois au minimum par patrouille. « C’est pour des raisons de sécurité, nous le comprenons », reconnaît Jonathan. C’est également pour pouvoir transporter le HK G36, le pistolet-mitrailleur qui dote ces fonctionnaires qui peuvent se retrouver en première ligne en cas d’attaque terroriste.

    Mais cette réorganisation pose des soucis de planning. « Le problème c’est que désormais on nous impose 25 % d’absent », ajoute Jonathan. Dans des groupes de quatre fonctionnaires, 25 %, cela signifie donc un seul absent autorisé. « Nous avons des collègues qui sont des parents et qui veulent pouvoir prendre leurs vacances scolaires. » Avec cette règle, deux collègues d’un même équipage ne peuvent donc pas poser leurs congés en même temps. Planning à l’appui, il montre aussi : « Là, par exemple, j’ai un week-end complet sur six… Cela pose beaucoup de problèmes par exemple à ceux qui sont divorcés et qui ont des gardes alternées. Ça joue sur le moral. »
    Certains rapports que nous avons pu consulter sont tous sur le même ton et évoquent des « conditions de travail dégradées » qui « impactent la vie privée ». Lionel* a lui aussi rédigé un de ces rapports. Il envisage aujourd’hui de partir dans une boîte de sécurité privée : « Nous sommes de plus en plus nombreux à faire ce choix. Après les événements de Viry-Châtillon, on pensait que ça changerait. Mais le temps est passé et rien n’a changé. On n’a pas eu les effectifs espérés. »

    Une recrudescence des suicides

    Julien* s’insurge : « Pour le G20 qui aura lieu du 17 au 25 août à Biarritz, on nous demande d’être tous présents. Il n’y aura certainement aucun impact en Essonne. Mais on a tous dû prendre nos vacances d’été en fonction de ça. Moi, perso, je n’en peux plus ». Il conclut : « Depuis le mois de janvier, on a déjà eu plus de 10 suicides dans la police en France ».

    Une recrudescence qui a d’ailleurs conduit Eric Morvan, directeur général de la police nationale (DGPN) à diffuser une note le 21 janvier dans laquelle il demande de faire preuve de « solidarité entre collègues pour détecter ceux d’entre [eux] en situation de fragilité et les signaler à l’ensemble des acteurs de la chaîne médico-administrative et sociale ». Jonathan juge : « C’est la première fois que je vois une telle note du DGPN. Pour qu’il en arrive là, c’est qu’il y a vraiment un problème. On ne demande pas de médaille, on ne fait pas ce métier pour l’argent. On veut juste qu’on nous laisse les moyens de travailler. »
    *Les prénoms ont été modifiés.

    Guillaume Roux, syndicaliste chez Unité SGP : « Ce travail ne séduit plus »
    « On ne trouve plus de volontaire pour aller en BAC ». Le constat amer dressé par Guillaume Roux, syndicaliste chez Unité SGP Police, est sans appel. Il connaît bien le sujet puisqu’il est lui-même un ancien « baqueux ». « Le rythme de travail est tel que les horaires ne sont aujourd’hui plus en adéquation avec la vie de famille », note encore le policier. « Ce métier ne séduit plus », assène-t-il. Guillaume Roux reprend : « Quand j’ai commencé, il y avait du monde sur les listes d’attente. Maintenant, ceux qui quittent les BAC doivent aller démarcher eux-mêmes les collègues pour savoir s’ils seraient intéressés pour les remplacer ». Il ajoute : « Des tâches indues qui ne rentrent pas dans les prérogatives des BAC ont été ajoutées. Les IRAS [NDLR : Infractions relevées par l’action des services] en font partie. »

    #Police #banlieue #BAC