• Un impact limité des mouvements sociaux sur la croissance en 2018
    https://www.latribune.fr/economie/france/un-impact-limite-des-mouvements-sociaux-sur-la-croissance-en-2018-811592.h

    Dans sa note de conjoncture pour mars 2019, l’Insee propose une mesure de l’effet économique des deux principaux mouvements sociaux de 2018, la grève de la SNCF et le mouvement des « Gilets jaunes ». Pour l’institut public, leur impact final reste faible, et n’aurait pas pesé pour plus de 0,2 point de PIB en 2018.
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    Les conclusions de l’institut statistique restent prudentes, en rappelant la difficulté à isoler des liens de cause à effet en économie, et l’absence de contrefactuel ("ce qu’il se serait passé sans les manifestations"). Mais elles n’en restent pas moins claires : pour l’Insee, l’impact global des mouvements sociaux sur la croissance « apparaît relativement modéré ». Loin, donc, de la « catastrophe pour notre économie » qu’annonçait le ministre Bruno Lemaire au lendemain des manifestations de « Gilets jaunes » du 8 décembre.

    Dans le détail, la grève filée de la SNCF entre avril et mai aurait coûté tout au plus 0,1 point de croissance à la France, principalement dans le secteur des transports. Il en va de même des manifestations des « Gilets jaunes » en novembre et décembre, qui n’auraient pas pesé pour plus de 0,1 point sur le PIB selon l’Insee.

    Pourtant, la consommation des ménages a ralenti fortement en fin d’année (0,0% contre + 0,4% au troisième trimestre), ce qui avait été imputé dans un premier temps aux mouvement contestataire. Mais pour l’Insee, cet affaissement de la consommation « provient essentiellement de l’énergie et de l’automobile, de façon en partie indépendante du mouvement des ’Gilets jaunes’ ». La baisse des achats de voiture pourrait provenir des nouvelles normes antipollution ou d’un report à 2019 pour profiter de la revalorisation de la prime à la conversion. Le seul impact clairement établi concerne l’hôtellerie, dont la fréquentation a fortement baissé en décembre 2018, notamment à Paris (-5,3% par rapport à décembre 2017).

    En combiné, les deux mouvements sociaux auraient donc pu amputer le PIB français de 0,2 point, ce qui constitue un effet d’ampleur perceptible mais limitée. Au sujet des « Gilets jaunes », l’Insee rappelle d’ailleurs que « certains achats peuvent avoir été simplement reportés du mois de décembre au mois de janvier », ce qui contribuerait à en limiter encore plus les effets économiques négatifs.

    • … effets indirects, …

      Ces estimations se cantonnent toutefois aux effets directs des mouvements sociaux, ceux qui peuvent se mesurer immédiatement dans les comptes nationaux. Mais des effets indirects pourraient également en résulter, avec un impact de moyen terme sur l’économie. Ceux-ci sont évidemment beaucoup plus difficiles à estimer, d’autant qu’ils évoluent dans des directions contradictoires.

      D’un côté, les violences qui entourent le mouvement des « Gilets jaunes » pourraient peser sur l’attractivité de la France à moyen terme, que ce soit pour le tourisme ou pour les investissements étrangers. Si le mouvement se poursuit, il pourrait également conduire à un certain blocage politique, aux effets incertains sur l’économie. De l’autre, les premières concessions obtenues du gouvernement par les « Gilets jaunes » auront très certainement un impact économique positif en 2019. L’OFCE a calculé que la dépense publique viendrait soutenir le pouvoir d’achat des ménages à hauteur de 11,7 milliards d’euros, dont 10,3 milliards proviennent des mesures annoncées en décembre par Emmanuel Macron.

      L’institut de recherche conclut que « la politique budgétaire nationale aurait un impact élevé sur la croissance du PIB, de 0,5 point, les mesures issues de la crise des gilets jaunes améliorant, à elles seules, le taux de croissance du PIB de 0,3 point ». N’entre pas dans ce calcul, par ailleurs, l’annulation de la hausse de la taxe carbone, qui aurait à l’inverse pesé à la baisse sur la consommation des ménages.

      De manière paradoxale, les « Gilets jaunes » pourraient donc bien contribuer positivement à la croissance française en 2019, par le biais des mesures de soutien au pouvoir d’achat obtenues du gouvernement. La nature contracyclique de ces mesures, dans un contexte de ralentissement global de l’économie mondial, pourrait ainsi permettre à la France de mieux résister aux tendances négatives que ses voisins. Pour mémoire, une croissance de 1,3 à 1,7% est attendue en France en 2019, contre 1% pour la zone euro et 0,7% pour l’Allemagne.