• Violences sexuelles sur les femmes autistes, un scandale passé sous silence | StreetPress
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    Un déni renforcé par la loi du silence qui règne particulièrement au sein du couple, des familles et des institutions où s’exercent ces violences. Quand Hélène a parlé de sa première agression aux religieuses de son diocèse, elles ont juste dit que d’autres femmes s’étaient plaintes du même prêtre. Rien de plus. Alors la jeune femme a écrit à l’évêque pour lui raconter ce qu’elle avait vécu. Elle n’a obtenu aucune réponse :

    « Cela m’a anéantie. J’avais l’impression que c’était moi qui avait un problème. Je pensais que j’avais mal interprété ses gestes. Je me trouvais terriblement ingrate. »

    Alors quand Hélène a subi une seconde agression, elle s’est murée dans le silence. « Je me suis dis : “là c’est la deuxième fois que cela arrive, ils vont vraiment penser que tu inventes”. » Avec le temps, Hélène les avait pratiquement occultées. C’est grâce au travail de Muriel Salmona et de Marie Rabatel qu’elle a pu faire ressortir ces événements traumatiques de sa mémoire.

    Comme au sein de l’Église, l’omerta sur les violences sexuelles règne dans la communauté autistique. Et pour cause, elles ont parfois lieu à l’intérieur même des établissements spécialisés qui accueillent notamment les mineurs présentant des TSA. « Les familles ont des difficulté à dénoncer ces violences du fait de leur dépendance à ces Instituts médico-éducatifs qui sont parfois les seuls à prendre en charge leurs enfants, faute de structures spécialisées et d’auxiliaires de vie au sein des écoles », explique Marie Rabatel.
    Une parole disqualifiée

    Faute d’écoute et de considération, le dépôt de plainte après un viol reste très minoritaire. Comme beaucoup d’autres femmes, Sophie ne s’est pas sentie légitime à porter plainte, par peur d’être « moquée et humiliée ». Aujourd’hui, aucune de ses agressions n’apparaît dans les fichiers de la police. C’est comme si elles n’avaient jamais existé :

    « Mes agresseurs n’ont rien subi, rien réparé, ils ne se sont pas excusés. »

    Selon l’enquête menée par David Gourion et Séverine Leduc, même si certaines femmes ont osé pousser les portes des commissariats, seulement 4% d’entre elles ont déclaré qu’il y avait eu une suite juridique et qu’elles avaient bénéficié d’un soutien psychologique. Et pour cause, les personnes présentant des TSA ont un risque encore plus grand de voir leur parole disqualifiée, que leur témoignage paraisse inutilisable comme élément de preuve, faute de savoir l’interpréter. Témoigner face à un policier peut s’avérer très compliqué, explique Marie Rabatel :

    « Quand une personne autiste victime de viol veut aller porter plainte à la gendarmerie ou à la police, elle doit raconter son histoire à un inconnu. Cela peut la rendre mutique. Elle peut se noyer dans ses mots ou donner l’impression d’être anesthésiée émotionnellement, déconnectée, indifférente. »

    Quant aux autres victimes, celles qui sont dans l’incapacité de s’exprimer verbalement à cause de leurs TSA, elles sont difficilement « identifiées » par les médecins. « Une personne autiste qui va avoir vécu un traumatisme et qui va avoir un comportement en lien avec ce traumatisme, on va dire que c’est son handicap qui justifie cette attitude », explique Marie Rabatel. Conséquence, on lui administre des traitements pour calmer les troubles du comportement qui vont masquer les violences sexuelles subies.