• Rébellions urbaines et déviances policières
    https://journals.openedition.org/conflits/18839

    Document 1 : La « doctrine officieuse de la bavure policière ».
    Discours du préfet Olivier Philip devant les policiers du commissariat de Vénissieux, 30 novembre 1983.
    « Excluant l’hypothèse de la grosse erreur (…), votre hiérarchie a toujours couvert publiquement ce qu’on l’on peut appeler la petite erreur. On peut commettre une petite erreur dans le feu de l’action. Vous devez être couvert, quitte à ce qu’une sanction interne à la “maison” intervienne après enquête et sans publicité excessive. L’incident de la semaine dernière est une “grosse erreur” sur deux points :
    a) erreur en elle-même. Vous savez ce qui s’est passé. Je n’insisterai pas, notamment sur l’attitude verbale adoptée, sur le fait que les locaux ont été saccagés et pas seulement semble-t-il par des clients, sur le fait que l’on a obligé les jeunes à se coucher par terre sous la menace. Une balle a été tirée à hauteur d’homme et la tragédie évitée de justesse. L’Inspection Générale vérifie les détails et en tirera les conclusions qu’elle jugera utile.
    b) erreur par la désobéissance aux ordres. C’est sans doute l’aspect le plus grave de cette affaire. La mission donnée aux CRS, consignée par écrit par le Commissaire responsable, l’a été dans le cadre d’un contexte qu’il connaissait. (…) [L]’ordre a été donné d’intervenir pour protéger la famille française de l’auteur de l’homicide (accidentel ou non), et dont deux voitures venaient d’être incendiées. Telle était la mission. (…) Or, 4 CRS sont allés effectuer un contrôle d’identité dans un café situé à 800 mètres du lieu d’intervention. Tout s’est passé à peu près normalement, mais ils y sont retournés peu après. Pour ce faire, ils ont abandonné leur mission. (…) Un Chef ne peut pas être désobéi. Le Chef doit supporter les conséquences des ordres qu’il donne et il doit les assumer. Mais vous devez comprendre qu’un responsable n’a pas à supporter, n’a pas à assumer les conséquences d’un acte lorsqu’on lui a désobéi.
    Les faits étaient évidents, immédiatement connus de la Presse, la désobéissance flagrante. La Télévision régionale étant saisie et plusieurs européens du quartier y intervenant pour relater les faits, il était indispensable pour le Préfet délégué pour la Police d’intervenir publiquement. C’est ce qu’il a fait à ma demande. Il n’était pas possible d’attendre car il faut réagir immédiatement à l’événement dans ce genre de situation. C’est l’intérêt de la Police. Celle-ci doit être crédible aux yeux de la population. Nous perdrons notre crédibilité si nous n’avons pas le courage de reconnaître les faits et les erreurs. Nous perdrons la confiance de la population si nous mentons. Vous savez bien que la vérité est vite connue dans le quartier. Vous êtes susceptibles d’intervenir à tout moment aux Minguettes pour assurer dans des conditions difficiles l’ordre public. La population doit avoir confiance en votre impartialité. Nous devons êtres crédibles, non seulement vis-à-vis de la population mais aussi vis-à-vis du Gouvernement. 74 »