" « Devant la Loi » : le judaïsme subversif de Franz Kafka " par Michael Löwy
▻http://enuncombatdouteux.blogspot.com/2019/04/devant-la-loi-le-judaisme-subversif-de.html
La PARABOLE « Vor dem Gesetz » (Devant la Loi) est un des textes les plus célèbres de Kafka et l’un des rares qu’il ait publiés de son vivant. Ce passage du roman inachevé Le procès était aussi un de ses écrits préférés, qu’il aimait lire à ses amis et sa fiancée Felice. Dans son Journal, il le désigne comme une « légende » et, dans le roman, simplement comme une « histoire ». Mais le terme parabole (Gleichniss), qu’il utilise souvent pour parler de ce genre de textes brefs et à forte charge paradoxale, disséminés comme autant de gemmes étincelantes dans ses cahiers de notes et son Journal, est peut-être le plus approprié.
Le gardien de la porte, comme les juges du Procès, les fonctionnaires du Château ou les commandants de La colonie pénitentiaire ne représentent en rien, aux yeux de Kafka, la divinité (ou ses serviteurs, anges, messagers, etc.). Ils sont précisément les représentants du monde de la non-liberté, de la non-rédemption, le monde étouffant dont Dieu s’est retiré. Face à leur autorité arbitraire, mesquine et injuste, la seule voie pour le salut serait de suivre sa propre loi individuelle, en refusant de se soumettre et en franchissant les barrières interdites. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut accéder à la Loi divine, dont la lumière est cachée par la porte.