Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • (13) L’empire du signal, ou les dangers d’un contrôle social par les corps - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2019/04/24/l-empire-du-signal-ou-les-dangers-d-un-controle-social-par-les-corps_1723

    Avec la reconnaissance faciale, une nouvelle forme de gouvernementalité se met en place, où des plateformes privées collaborent avec les dispositifs publics de sécurité. Un tel déploiement technologique dans notre quotidien, une telle capture de nos visages et de nos traits constituent un redoutable pallier vers une surveillance généralisée.

    Mais réguler un tel déploiement s’annonce complexe. Car les usages de reconnaissance faciale proposés sont multiformes, à la fois commerciaux, publicitaires, sécuritaires, sanitaires ou éducatifs. Le privé et le public, le divertissement et le punitif s’entremêlent sans que l’on ne puisse y voir clair. Un thème récurrent est largement mobilisé pour justifier l’usage de ces technologies de surveillance biométrique : la sécurité. Et c’est toujours au nom du Bien qu’elle se voit matérialisée.

    De façon assez inédite, la plupart des technologies de surveillance publique, à l’instar de la reconnaissance faciale, ont d’abord été élaborées et diffusées à des fins commerciales par des géants numériques de la publicité et de la recommandation . La reconnaissance faciale, dont on ne sait plus très bien si elle est proposée à des fins commerciales ou sécuritaires, a été banalisée par la domotique, et amplement développée avec les smartphones ou les réseaux sociaux, pour un confort d’utilisation et une expérience client toujours plus forte. En procédant par pseudomorphisme, l’omniprésence de technologies d’identification qui servent à un moment donné une entreprise de quadrillage techno-sécuritaire du territoire semble aller de soi.

    Parmi l’ensemble des signatures biométriques potentiellement disponibles (empreintes digitales, scan de l’iris, voix, numérisation des veines de la paume), la reconnaissance faciale reste à ce jour la référence en matière de mesures biométriques par sa facilité de mise en œuvre et de déploiement.

    On ne se contentera bientôt plus d’espaces clos, l’enfermement sera en nous. Enfermés en nous-mêmes. Il serait alors risqué de dévier de la norme sociale, de bafouer les interdits ou de mettre en cause l’ordre établi au risque que les caméras, lunettes et autres drones de reconnaissance ne nous identifient comme suspects.

    La responsabilité de l’Etat est ici considérable. Passé d’Etat de droit à Etat de l’ultrasécurité, inquiet pour sa propre survie et par conséquent boulimique de données de surveillance, il semble moins se préoccuper de fabriquer des libertés par la loi dans un cadre de surveillance bienveillant que d’industrialiser, de concert avec les acteurs privés compétents. Ainsi assistons-nous à une marchandisation de la souveraineté territoriale.

    Il s’agit de trouver le juste équilibre entre la nécessaire sécurisation du territoire et le respect des libertés fondamentales. Et le glissement conceptuel de la Smart City à la Safe City actuellement à l’œuvre pose la question fondamentale de nos libertés, du droit à évoluer dans l’espace public sans être identifié. Surtout, quels contre-pouvoirs, quels recours mettre en place face à des dispositifs algorithmiques intangibles ?

    #Surveillance #Reconnaissance_faciale #Public_Privé