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Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Des nouvelles du Soudan

    Par Anne-Catherine de Neve → ▻https://www.facebook.com/annecatherinedeneve/posts/10216762968900586


    Il faut que je publie ceci. Je suis dĂ©solĂ©e. Je voudrais vous l’épargner.

    M. mon ami M, est chez nous depuis dimanche dernier. En allant se coucher dimanche soir, il m’a dit : « j’ai un mauvais pressentiment. J’ai le sentiment que quelque chose de terrible va se passer. »

    Lundi matin, quand il s’est rĂ©veillĂ©, il a posĂ© sa main sur son tĂ©lĂ©phone, comme Ă  son habitude, et a commencĂ© Ă  Ă©plucher Facebook. Son visage a blĂȘmi quand il a dĂ©couvert ce qui se passait dans son pays. Sa femme y est. Sa mĂšre. Son pĂšre, ses frĂšres et sƓurs. Tous ses amis. Les heures qui ont suivi, il n’a plus dit un mot, son regard obstinĂ©ment rivĂ© sur l’écran de son tĂ©lĂ©phone, tentant dĂ©sespĂ©rĂ©ment de comprendre ce qui Ă©tait en train de se passer.

    Il avait raison. Quelque chose de terrible Ă©tait en train de se passer. VoilĂ  le rĂ©cit qu’il m’en a fait. Je vous le livre ici car nous nous devons mettre autant d’efforts Ă  faire savoir ce qui se passe qu’ils n’en mettent Ă  nous le cacher. Les principaux rĂ©seaux internet ont Ă©tĂ© coupĂ©s hier. Des rumeurs circulent : le tĂ©lĂ©phone pourrait ĂȘtre coupĂ© dans les heures qui viennent, privant le Soudan tout entier de communication vers l’extĂ©rieur.
    Ce matin, il a retrouvĂ© ses esprits et a commencĂ© Ă  m’expliquer ce que je savais dĂ©jĂ  en partie, en montrant certaines vidĂ©os, certaines photos
 Il m’a demandĂ© de l’écrire ici.

    M. :

    « Ils Ă©taient assis devant le quartier gĂ©nĂ©ral des forces armĂ©es. Depuis des jours. Depuis des nuits. Ils Ă©taient la pour rĂ©clamer d’ĂȘtre entendus. Ils Ă©taient lĂ  pour exiger que le Soudan soit rendu aux citoyens.
    Au petit matin, ceux du Transitionnal Military Council , ceux-lĂ  mĂȘmes qui prĂ©tendaient ĂȘtre lĂ  pour protĂ©ger les citoyens, pour Ă©viter qu’ils ne soient tuĂ©s, maltraitĂ©s, les ont attaquĂ©s. Ceux-lĂ  qui ont prĂ©sentĂ©s leur main Ă  serrer aux diplomates et chefs de gouvernement europĂ©ens les ont attaquĂ©s, l’arme au poing. Ils ont tirĂ© dans la foule. Ils ont frappĂ©. Ils ont arrĂȘtĂ©. Ils ont emprisonnĂ©. Ils ont violĂ©. Hommes, femmes, enfants ont tentĂ© de s’échapper. Dans les cris, dans la peur, dans le sang.

    Sur la place, les citoyens avaient installé de grandes tentes, dans lesquelles ils dormaient quand les militaires ont attaqué. Les militaires y ont mis le feu. Personne ne sait combien sont morts. Un peu plus loin, ils sont entrés dans les maisons des étudiants. Ils sont entrés et sortis, laissant la mort derriÚre eux. Personne ne sait combien sont morts. Les militaires ont emporté les corps. Ils les ont jetés dans le Nil bleu.

    Les femmes ont Ă©tĂ© violĂ©es. On a vu des militaires brandir des sous-vĂȘtements des femmes qu’ils ont attaquĂ©es en guise d’étendard.

    Au petit matin, ils se sont dirigĂ©s vers les deux hĂŽpitaux oĂč Ă©taient soignĂ©s les blessĂ©s. Ils sont entrĂ©s. Ils ont violĂ© les femmes, infirmiĂšres et mĂ©decins, qui les soignaient Ils sont partis. Personne ne sait combien ont Ă©tĂ© violĂ©es. Le viol jette l’opprobre sur toute la communautĂ© de la femme violĂ©e. Normalement, personne ne parle. Mais 50 rĂ©cits ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© enregistrĂ©s.

    Ceux qui ont pu fuir ont fui. Une fois le sitting dispersĂ©, les militaires se sont rĂ©pandus dans la ville. Ils ont interdit la fĂȘte rituelle de l’ Aid . Ils ont tirĂ© sur tous les rassemblements de plusieurs personnes. Personne ne sait combien sont morts dans les rues de Khartoum. Ils ont mĂȘme attaquĂ© les cortĂšges funĂ©raires et ont tuĂ© les familles qui voulaient rendre hommage Ă  leurs morts.

    Le 4 juin, ils ont coupĂ© les principaux rĂ©seaux internet, empĂȘchant les gens de communiquer.
    Beaucoup de personnes sont manquantes. Parmi elles, certains de mes amis. Beaucoup de mes amis. Un numĂ©ro a Ă©tĂ© ouvert depuis hier pour recenser les personnes manquantes. On sait que 300 personnes ont Ă©tĂ© emmenĂ©es Ă  Burri (?), dans un commissariat de police. Les autres, on ne sait pas oĂč elles ont Ă©tĂ© emmenĂ©es
    A Khartoum, il y a un endroit oĂč le Nil fait une boucle et rejette ce que ses flots ont charriĂ©. Aujourd’hui plus de 120 corps ont Ă©tĂ© repĂȘchĂ©s. Et ils continuent d’arriver.

    Je ne sais pas ce qui va se passer. Aujourd’hui, ils ont pris le pouvoir. Les Rapid support forces - les Damaseri , comme les a appelĂ©s le gouvernement de Omar El Bachir qui sont aussi Jenjaweed , connus pour avoir dĂ©cimĂ© le Darfour - sont au pouvoir et contrĂŽlent dĂ©sormais tout le Soudan. »

    Voici le rĂ©cit de M. Il n’est pas complet car peu d’informations nous arrivent. Il comporte sans doute des erreurs car il m’a fallu me frayer un chemin dans toute cette horreur. Mais il est fidĂšle Ă  ce que les Soudanais ont souffert. À ce qu’ils souffrent aujourd’hui.

    #freedomforsoudan
    #stopexpulsionsoudan
    #salah

    Si le rĂ©cit de M vous laisse perplexe, Il m’a demandĂ© de vous montrer des photos et des vidĂ©o. Je viens de les parcourir et je ne peux pas. Je ne peux pas vous les montrer.

    • Le Monde affirme que Khartoum est « livrĂ©e au miliciens du Darfour » :

      ▻https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/06/soudan-khartoum-livree-aux-miliciens-du-darfour_5472239_3212.html

      El Watan, quotidien algérien, voit de la part du Conseil militaire de transition une volonté de casser la mobilisation populaire pacifiste en montant les islamistes contre les manifestants.

      ▻https://www.elwatan.com/edition/international/bain-de-sang-au-soudan-06-06-2019#

      Par contre, d’aprĂšs El Watan, Abdelfattah al Buhrane, chef de la junte militaire, semble revenir Ă  un discours plus « modĂ©rĂ© » :

      Devant la pression de la rue et de la communautĂ© internationale qui a appelĂ© Ă  la reprise des discussions, la junte militaire au pouvoir a fini par cĂ©der et annuler sa dĂ©cision de tenir des Ă©lections dans neuf mois. Elle a Ă©galement invitĂ© les contestataires Ă  un dialogue sans conditions. Le gĂ©nĂ©ral Abdelfattah Al Burhane, lors d’un discours retransmis hier Ă  la tĂ©lĂ©vision, a invitĂ© Ă  la reprise des nĂ©gociations. « Nous ouvrons nos bras aux nĂ©gociations sans restriction, sinon celle de l’intĂ©rĂȘt national, pour fonder un pouvoir lĂ©gitime qui reflĂšte les aspirations de la rĂ©volution des Soudanais.

      Ouvrons tous ensemble une nouvelle page », a-t-il dĂ©clarĂ©. Il a dit en outre « regretter ce qui s’est passĂ© Ă  Khartoum lundi » et annoncĂ© l’ouverture d’une enquĂȘte par le parquet gĂ©nĂ©ral. Bien que comptant pourtant parmi les principaux soutiens des gĂ©nĂ©raux soudanais, les Saoudiens ont apparu ne pas assumer la dĂ©rive du Conseil militaire de transition. Riyad a ainsi soulignĂ© hier aussi « l’importance d’une reprise du dialogue entre les diffĂ©rentes forces politiques soudanaises en vue de rĂ©aliser les espoirs et les aspirations du peuple soudanais frĂšre ». Au moment oĂč nous mettions sous presse hier, l’ALC n’avait pas encore rĂ©pondu Ă  l’offre de l’armĂ©e.