• Le nouveau cendrier | Sale temps pour sortir | Voir.ca

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    Au restaurant, le garçon a cru que j’étais fâché contre… un truc lié au restaurant.

    -- Tout va bien ?

    -- Oui. Rien à voir avec vous. Je disais à ma vieille amie que je n’aimais pas qu’elle se penche subtilement la nuque alors qu’elle dîne avec moi pour regarder son cellulaire. Vous qui travaillez dans un restaurant, que pensez-vous de l’usage du cellulaire dans les lieux publics ?

    La réponse du garçon m’a jetée par terre.

    -- Le téléphone, c’est la nouvelle cigarette, ça nous incommode, ça prend autant de place au milieu de la table qu’un cendrier plein.

    J’éprouve une immense tendresse pour ce garçon de café, poète de notre quotidien. L’image est parfaite.

    Quand le cou se penche, doucement, l’air de rien, sur l’écran tout en hochant de la tête pour donner à l’interlocuteur l’impression que l’on suit ce qui se passe en temps réel, c’est un peu comme expirer de la fumée bleue au visage de quelqu’un, se retirer subtilement dans une autre bulle. C’est une agression que l’on n’ose pourtant rarement dénoncer puisque c’est moderne, c’est comme ça. Ne m’écoute pas, c’est normal !

    Et c’est ainsi, en réunion au travail, autour d’une bière avec des amis, dans un souper de famille, lentement, doucement, un geste de réflexe, un cou se penche furtivement, mouvement de la tête qui se veut subtil, et hop ! tu n’es plus là avec ton enfant, ton chien, ta blonde, ton chum, ton amie, ton ami. Tu es ailleurs dans le si important et impérieux monde du message, le plus souvent, absolument, non important, non urgent.