• La mairie de Lyon autorise la réouverture d’un local de Génération identitaire - Œil sur le front
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    La salle de boxe du groupuscule d’extrême droite à Lyon, fermée en mars sur décision de la mairie pour des raisons de sécurité, a rouvert dans le centre historique de la ville. Les associations luttant contre le groupuscule réclament un renforcement de l’arsenal juridique et administratif.

    Agogé, la salle de boxe gérée à Lyon par le mouvement radical Génération identitaire, a été autorisée à rouvrir début juin, une première dans la capitale de Rhône-Alpes, selon le site rue89 Lyon. Décision prise par arrêté municipal, au grand dam des associations locales qui, en réponse, réclament un renforcement de l’arsenal administratif et juridique de lutte contre ces groupuscules d’extrême droite. Car c’est bien parce que le local respecte la réglementation que la salle de sport a été autorisée à reprendre son activité. « C’est la première fois que la municipalité permet à un local accueillant les activités de militants d’extrême droite de rouvrir, après l’avoir fait fermer », note Rue89 Lyon.

    En mars, la ville avait en effet pris deux arrêtés pour interdire au public l’accès à l’Agogé, dont le nom fait référence à l’éducation militaire des jeunes hommes dans la Grèce antique, ainsi qu’à la Traboule, bar associatif attenant, lui aussi propriété de Génération identitaire. A l’époque, la fermeture avait été ordonnée pour des raisons de non-respect des normes de sécurité, après les visites de la Commission communale de sécurité et d’accessibilité. Depuis, des travaux ont été entrepris dans les locaux installés au 5, de la Montée du Change, en plein cœur du Vieux-Lyon. Une cagnotte a en outre été lancée par les identitaires pour financer la mise aux normes de la Traboule. Celle-ci a récolté à ce jour moins de 900 euros. La rénovation de la salle de sport étant quant à elle terminée, la réouverture du lieu a été autorisée.
    « Tenaille identitaire »

    La décision n’a donc rien de politique, s’est défendu Jean-Yves Sécheresse, adjoint à la sécurité à la mairie de Lyon : « On ne sonde pas les âmes ni les cerveaux pour prendre ces décisions. Une fois que la réglementation est respectée, on rouvre. En l’occurrence l’ensemble des conditions pour réunir du public sont présentes », a-t-il justifié auprès de l’AFP.

    Sur ce point, la bonne foi de l’adjoint au maire n’est pas remise en cause : « Jean-Yves Sécheresse a beaucoup œuvré pour la fermeture du local du Bastion social », autre faction identitaire – dont la dissolution a été ordonnée le 24 avril en Conseil des ministres –, mais il fait ce qu’il peut « avec les compétences de la mairie », a expliqué Alain Blum, président de la section Auvergne-Rhône-Alpes de la Licra. « On se bat depuis des années contre cette "tenaille identitaire", en soutenant les structures associatives présentes dans le Vieux-Lyon, mais le volet administratif manque d’efficacité, et la réponse juridique n’est pas à la hauteur. »

    La Licra est en guerre depuis des années avec Génération identitaire et réclame la dissolution du mouvement. En réponse, le groupuscule a récemment déposé un recours auprès du tribunal administratif pour faire supprimer ses subventions municipales. « Il faut couper les vivres à ces associations immigrationnistes et antifrançaises », pouvait-on lire début juin dans l’un de ses communiqués.
    « Des évolutions législatives sont nécessaires »

    Pour lutter contre ces mouvances d’ultra-droite, la ville de Lyon ne peut compter que sur ses compétences en matière de sécurité dans les ERP (établissements recevant du public) : « Les associations sont jugées sur leur fonctionnement. Si elles respectent la réglementation en matière de sécurité, la municipalité est coincée, mais elle peut toujours faire preuve de vigilance… » explique Thomas Rudigoz, député LREM de la 1re circonscription du Rhône. Même s’il existe d’autres moyens de lutte, notamment en matière de tranquillité publique, puisque le préfet peut ordonner sur décret la fermeture d’un local en cas de troubles à l’ordre public. « Pour faciliter la dissolution de certains groupuscules, des évolutions législatives sont nécessaires », indique l’élu. Une commission d’enquête parlementaire sur la lutte contre les mouvements d’extrême droite, à laquelle Thomas Rudigoz a participé, a rendu la semaine dernière son compte rendu. Avec 32 recommandations, dont le renforcement, fort décrié, des sanctions pénales pour lutter contre la reconstitution de ligues dissoutes, ou encore le basculement dans le code pénal de l’ensemble des délits d’expression à caractère raciste, antisémite et discriminatoire, jusque-là relevant du droit de la presse.

    Face à des organisations de mieux en mieux armées pour se jouer des procédures, Thomas Rudigoz ajoute : « Il reste un certain nombre de chantiers à mettre en place sur Génération identitaire, nous travaillons sur une proposition de loi dans les prochaines semaines, mais elle doit d’abord obtenir l’approbation de notre groupe politique. »