Sylvain Manyach

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  • Le président de la République, partie civile a un procès équitable.

    La Cour de cassation n’a donc pas dénié au président de la République le droit de se porter partie civile dans un procès pénal (Cass., ass. plén., 15 juin 2012, Thiam c/ Sarkozy, n° K 01-85.678Décision de Jurisprudence). Nicolas Sarkozy, agissant à titre personnel bien après le déclenchement des poursuites par le ministère public, avait demandé réparation du préjudice constitué par l’usurpation de son identité bancaire dans le cadre d’une escroquerie collective de plus vaste ampleur. Le débat s’était - notamment - ouvert sur le point de savoir si le fait que le président signe les décrets de nomination des magistrats n’était pas de nature à faire naître quelque suspicion dans l’esprit de l’accusé quant à l’impartialité avec laquelle il allait être jugé. C’est à cette question que la Cour répond de la manière la plus explicite : « La seule nomination des juges par le président de la République ne crée pas pour autant une dépendance à son égard dès lors qu’une fois nommés, ceux-ci, inamovibles, ne reçoivent ni pressions ni instructions dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles ». Il faut s’en réjouir.

    Désormais, en Europe, on se soucie partout des « apparences » pour apprécier si l’obligation d’impartialité qui pèse sur les juges est satisfaite. Comme on sait, il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut aussi que le justiciable ait le sentiment qu’elle l’a été (justice must not only be done, it must be seen to be done). L’individu lambda ne doit jamais entrer dans son procès sans une confiance suffisante dans la neutralité de ceux qui trancheront sur son cas. Cette exigence est vertueuse et de moins en moins contestée. Mais il importe qu’elle ne se commue pas en droit inconditionnel de voir n’importe quel fantasme pris pour argent comptant. C’est le doute « légitime » que l’on veut éradiquer. Or celui que pourrait faire naître la signature du président au bas du décret de nomination de tous les magistrats de ce pays ne l’est pas. S’agissant des juges du siège, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, leur indépendance constitutionnellement protégée s’y oppose, de même que l’absence de pouvoir dudit président sur leur affectation, leur discipline ou leur carrière. La collégialité même des verdicts s’offre elle aussi en garantie... Bref, nous sommes (beaucoup) trop loin de ce qui pourrait alimenter une inquiétude raisonnable. Il est heureux que la Cour de cassation ait refusé de la considérer comme telle.

    La citation est de Denys de Béchillon dans l’AJDA de cette semaine. En réalité, ce n’est pas tant le manque d’#impartialité supposé qui est en cause ici. Effectivement, le fait qu’un juge soit nommé par le #Président n’est pas de ce seul fait susceptible de mettre en cause l’impartialité du magistrat. C’est le statut du président de la République, son #immunité pendant son mandat qui est problématique, choquante...