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« … en deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur » (André Breton)

  • Caliban et la sorcière ou l’Histoire au bûcher (une brochure de Yann Kindo et Christophe Darmangeat)
    http://www.collectif-smolny.org/IMG/pdf/BrochureCaliban.pdf

    Depuis sa parution mi-décembre, notre texte a semble-t-il suscité peu de réactions polémiques. La plus fréquente, parmi les avocats de Federici, a consisté à expliquer en substance, et de manière assez étrange, que « le livre comporte certes de nombreuses erreurs, mais il n’en reste pas moins fondamental ». Comprenne qui pourra. Les seules tentatives de réfutation de notre analyse dont nous ayons eu connaissance ont été initiées par une essayiste relativement célèbre (https://seenthis.net/messages/659472), et illustrent hélas les ressorts du succès de Caliban... Chacun pourra juger de l’honnêteté de la lecture de notre texte ainsi que du registre d’un argumentaire situé le plus souvent, dans tous les sens du terme, au-dessous de la ceinture.
    On notera, entre autres, que le premier point de notre critique – le décuplement, sorti du chapeau pointu federicien, du nombre des victimes de la chasse aux sorcières, qui conditionne largement la « démonstration » – n’éveille pas le moindre intérêt chez ses laudatrices qui, à la dure réalité des faits, préfèrent manifestement les procès... en sorcellerie.


    Avant-propos :

    L’analyse critique de l’ouvrage de Sylvia Federici, Caliban et la sorcière, démontre le peu de sérieux avec lequel cette dernière traite d’une question pourtant importante : pourquoi la dernière phase (du XVIe au XVIIIe siècle) de la transition pluriséculaire du féodalisme au capitalisme s’est-elle accompagnée en Europe occidentale d’une dégradation de la situation des femmes, du haut en bas de l’échelle sociale ? Au fil de leur critique, Yann Kindo et Christophe Darmangeat mentionnent deux éléments de réponse importants, d’ailleurs en bonne partie liés entre eux : d’une part la (ré)introduction, au cours du Moyen Âge, du droit romain et, à travers lui, celui de la conception romaine de la propriété privée, à la fois pleine (impliquant à la fois l’usus, le fructus et l’abusus) et libre (transmissible et aliénable) ; et, d’autre part, le triomphe de la famille nucléaire sur les autres structures familiales (famille patriarcale et famille-souche), tous deux éléments et conditions de la formation des rapports capitalistes de production, valant à la femme un statut de mineur juridique l’excluant (en bonne part) de la transmission des biens et la plaçant sous la tutelle de mari après celle de son père.
    Quant à faire de cette dégradation un des moteurs principaux de la phase finale de la transformation du féodalisme en capitalisme, c’est omettre des aspects aussi importants de cette dernière que les effets de l’expansion commerciale et coloniale de l’Europe occidentale en direction des Amériques, de l’Afrique et de l’Asie sur sa dynamique protocapitaliste ; les prodromes de la « révolution agricole » et ceux de la révolution industrielle dans ses campagnes ; le processus d’élargissement et de concentration des marchés ; les politiques mercantilistes mises en œuvre par des États en guerre quasi permanente ; la transformation d’une structures d’ordres en une structure de classes ; les premières révolutions bourgeoises (dans les Provinces-Unies et l’Angleterre) ; les incidences de ces révolutions culturelles que furent la Renaissance, la Réforme, les Lumières ; etc.
    Alain Bihr, février 2018

    Complément : Un débat ensorcelant http://cdarmangeat.blogspot.com/2018/10/un-debat-ensorcelant.html