Recriweb

« … en deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur » (André Breton)

  • Marx, ennemi de la raison ? - La Hutte des Classes
    http://cdarmangeat.blogspot.com/2019/06/marx-ennemi-de-la-raison.html

    Le journal La Tribune vient de faire paraître le 31 mai dernier un article étonnant, intitulé « Pourquoi le débat scientifique est devenu impossible : le spectre de Karl Marx ». Les auteurs en sont Ferghane Azihari et Laurent Pahpy, analystes en politiques publiques à l’Institut de recherches économiques et fiscales.
    L’idée centrale de l’article est la suivante : aujourd’hui, bon nombre de gens, à gauche ou à l’extrême-gauche, réfutent l’idée même du débat scientifique, en tranchant toute question par le camp que défendent, ou que sont supposés défendre, les thèses en présence. Ainsi :

    "Impossible de questionner l’homéopathie sans être accusé d’être à la solde du lobby pharmaceutique. Rappeler le consensus académique sur les risques associés aux pesticides de synthèse – dans les conditions normales d’utilisation – vous vaut d’être assimilé à de sinistres collaborateurs de l’agrochimie. Critiquer les énergies renouvelables peut même faire de vous un valet de l’industrie nucléaire."

    Or, une telle attitude trouverait ses origines directes dans la pensée de Marx lui-même. Celui-ci, en effet, parlait notamment de « science économique bourgeoise » (pour disqualifier les théories de ses adversaires), par opposition à une science prolétarienne (pour valoriser la sienne). Ce faisant, il aurait signifié que les idées ne valent pas par leur proximité avec la vérité objective, mais par les intérêts qu’elles défendent. Cette attitude aurait donc signifié un profond recul par rapport aux Lumières, par le rejet de toute rationalité et de toute connaissance scientifique. Après un développement où l’on apprend, entre autres, l’admiration des auteurs pour von Mises ou Hayek (des économistes pour qui la moindre loi protégeant un peu les salariés procédait d’une dictature communiste rampante), et l’authenticité du marxisme de Lyssenko (prouvé ipso facto par l’absurdité de ses théories), la conclusion tombe telle un couperet :

    "Renoncer à l’obscurantisme marxiste semble plus que jamais nécessaire pour retrouver la sérénité du débat scientifique argumenté au pays des Lumières."

    Je ne sais pas si ceux qui ont écrit ces lignes ont jamais lu Marx, ou s’ils l’ont lu et n’y ont rien compris ; je ne sais pas non plus laquelle de ces deux hypothèses est la plus indulgente. Toujours est-il que Marx et Engels, qui ont maintes fois proclamé que pour s’émanciper, le monde du travail avait besoin d’une théorie scientifique de l’évolution sociale, et que son combat exigeait la plus claire compréhension des rapports sociaux et du monde en général, étaient d’ardents défenseurs de la raison. [...]