• Laurent Alexandre, le grand soir vegan est bidon (et vous le savez) | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/181164/laurent-alexandre-grand-soir-vegan-argument-bidon

    Dans un récent billet publié dans L’Express, Laurent Alexandre alerte : « Le véganisme détruirait la France. » L’homme signe en tant que chirurgien, énarque, entrepreneur et aujourd’hui business angel : ça en impose et c’est donc en toute humilité que je vais essayer de lui montrer qu’il dit à peu près n’importe quoi, se contentant de dérouler un argumentaire aussi effrayant qu’absurde.

    Comme le titre l’indique, son propos est évidemment apocalyptique : « Les conséquences sociales, économiques, culturelles et médicales seraient désastreuses. » Il évoque « une crise économique majeure dans les villes portuaires », des montagnes qui « dépériraient à vive allure », un « exode rural massif », « la fin des ruches (qui) modifierait les écosystèmes végétaux », ou encore « la disparition de l’industrie laitière et fromagère » sans oublier la gastronomie « condamnée à mort » et la mode française « handicapée par l’interdiction du cuir, de la soie et de la laine ».

    Une sorte de tsunami végétal s’abattrait sur notre beau pays, faisant de nos prairies des « landes disharmonieuses » tandis que « les ravissants ports de pêche avec leurs petits bateaux colorés qui font le charme de Saint-Jean-de-Luz ou de Douarnenez disparaîtraient ».

    Rassurons d’abord le docteur Alexandre : non seulement, la plupart des personnes vegans ignorent qu’elles ont un tel pouvoir mais elles n’ont pas forcément l’intention ni la force (avec toutes leurs carences, hein...) d’éradiquer les montagnes.
    Carte postale de Douarnenez vs chalutiers oubliés

    Observons ensuite que les ports de pêche se désertifient depuis pas mal de temps et qu’on y trouve de plus en plus de bateaux de plaisance, de moins en moins de pêcheurs et beaucoup de béton. Si le chroniqueur était honnête, il ne se contenterait pas de cette image d’Épinal et dirait honnêtement que la pêche artisanale souffre davantage aujourd’hui de la concurrence de l’aquaculture (avec antibiotiques et algues invasives) et des chalutiers (qui ramonent sans vergogne les fonds marins, bousillant les écosystèmes, mais ça on s’en fout, j’imagine) que des rares Français·es qui ne mangent pas de poisson. Car, en France, souligne Le Journal de l’environnement, on surconsomme du poisson et donc on en importe, beaucoup, d’autant plus que nos ressources halieutiques diminuent, nous conduisant à pécher des poissons de plus en plus petits. Mais il est vrai que c’est joli, ces bateaux colorés et que le véritable ennemi est ce dangereux « bobo militant ».

    D’ailleurs, étonnons-nous de cet argument massue régulièrement brandi par les lobbys de l’industrie animale : le grand soir vegan. Du jour au lendemain, tout a changé, tout a disparu, notre civilisation est effacée. Se grandit-on à inventer un tel cyclone en sachant pertinemment que le changement, s’il s’opère, sera long, très long ? Que des décennies de mode de vie ne se changent pas en quelques heures ? Que rien ne menace aujourd’hui les prairies normandes ? Laurent Alexandre est assurément brillant : qu’il fasse semblant de croire à cette vision catastrophiste me navre.

    Et m’évoque cette tautologie régulièrement entendue : si on cesse de manger les animaux que l’on élève, ils vont disparaître. Traduisez le sophisme : il faut les tuer pour qu’ils vivent. Je n’ai aucun mal à débattre des vertus ou méfaits de l’élevage, avec quelqu’un qui souligne l’intérêt des bouses dans les prairies ou adore manger de la côte de bœuf mais, par pitié, évitons les argumentaires oiseux. Chacun·e sait qu’il n’y aura pas de grand soir vegan et qu’on n’élève pas des animaux pour leur bien.

    #panique_morale #vegan #végétarisme #carnisme