• La #Suisse face au défi de protéger les réfugiés #LGBTI

    La Suisse a encore beaucoup d’efforts à faire afin d’agir conformément au droit en matière d’asile pour les personnes discriminées en raison de leur identité sexuelle, écrit Ihsan Kurt, spécialiste en migration.

    Comme ailleurs, le nombre de demandes d’asile des nouvelles minorités persécutées augmente en Suisse. Dans la plupart des pays d’accueil, les demandeurs d’asile pour des raisons d’orientation sexuelle ou d’identité de genre (LGBTI) sont discriminés et les lois en la matière ne tiennent pas compte de ces vulnérabilités spécifiques à un groupe déterminé. La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés nécessite des réformes.

    Après la Seconde Guerre mondiale, des millions d’exilés arrivent en Europe pour y trouver refuge. Les Etats signent à Genève, sous l’égide des Nations unies, une convention internationale pour garantir le respect des droits de l’homme et gérer des mouvements de ces populations. C’est ainsi qu’ils ont défini la notion juridique du « réfugié ».

    Dans le contexte politique où cette convention a été rédigée, à part la Suède, aucun Etat n’a envisagé l’orientation sexuelle comme motif d’exil suite à des persécutions ou des craintes y relatives. Les persécutions en raison de l’homosexualité n’ont été considérées qu’après les grandes transformations dans la perception de l’homosexualité, notamment aux Etats-Unis et en Europe, avec le développement des théories féministes, dans les années 1970, les mouvements homosexuels et la mobilisation de la lutte contre le sida, dans les années 1980. C’est ainsi qu’à partir des années 1990 les personnes homosexuelles ont commencé à oser sortir de l’ombre et que les demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle deviennent visibles aux Etats-Unis puis en Europe occidentale.
    Le problème de la preuve

    Ces vingt dernières années, plusieurs demandes invoquant des persécutions en raison de l’orientation sexuelle ont abouti à l’octroi du statut de réfugié en Suisse. Les demandeurs d’asile sont alors reconnus, en tant qu’homosexuels ou transsexuels, d’un pays déterminé, comme appartenant à un « groupe social particulier ». Ils se retrouvent ainsi dans les motifs stipulés dans la convention de 1951, à l’instar des femmes victimes de mariage forcé ou de mutilations génitales.

    Il est difficile pour un Iranien, une Afghane ou une Tanzanienne de prouver leur homosexualité, puisque dans ces pays un simple soupçon suffit pour être persécuté

    Considérée comme une déviance, l’homosexualité est illégale dans plusieurs pays figurant sur la liste « des pays sûrs » pour le renvoi des requérants, établie par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Le critère de groupe social déterminé est difficilement appliqué dans la procédure d’asile. Le principe de devoir prouver la crainte et la persécution lors de la demande d’asile tient peu compte de la vulnérabilité de cette population. Or les organisations de défense des droits de l’homme et des réfugiés, comme l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ou Amnesty International, rappellent souvent ces principes de groupe social déterminé et de vulnérabilité des LGBTI. A cette vulnérabilité particulière en raison des traumatismes liés aux persécutions, j’ajoute aussi des sentiments de honte, de non-acceptation de soi. Ces personnes sont davantage exposées aux préjugés et aux discriminations à caractère homophobe. Sur le chemin de l’exode, elles peuvent subir des agressions spécifiques à leur orientation sexuelle.

    Dans la procédure d’asile, elles doivent surtout prouver leur homosexualité. Or prouver qu’on a subi des persécutions dans son pays d’origine en raison de son orientation sexuelle est très compliqué étant donné que le pays d’origine ne reconnaît pas l’homosexualité. Il est ainsi extrêmement difficile pour un Iranien, une Afghane ou une Tanzanienne de prouver leur homosexualité, puisque dans ces pays un simple soupçon suffit pour être persécuté.
    La Suisse trop stricte

    La pratique suisse est extrêmement stricte concernant les allégations tardives : la plupart du temps, la déclaration tardive d’orientation sexuelle ou de son identité de genre est rejetée et considérée comme non crédible par les autorités, contrairement aux directives du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Mais il est aussi compliqué pour les enquêteurs et les juges fédéraux d’établir effectivement l’homosexualité du requérant car il est très difficile de poser des questions intimes portant, par exemple, sur les pratiques sexuelles.

    Il y a une prise de conscience de cette réalité des personnes LGBTI et de leur besoin de protection. Néanmoins, la vérification de l’homosexualité demeure problématique. Et la Suisse a encore beaucoup d’efforts à faire afin d’agir conformément au droit international et à la Déclaration universelle des droits de l’homme.

    https://www.letemps.ch/opinions/suisse-face-defi-proteger-refugies-lgbti
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