• Organiser le pessimisme
    Groupe Jean-Pierre Vernant | Le Blog
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    La crise politique française peut se résumer à la partition du champ politique en trois blocs : le bloc modernisateur au pouvoir, qui mène une politique néolibérale, un bloc nationaliste et identitaire, issu de la normalisation de la vieille extrême-droite [2], et un bloc émancipateur fragmenté, qui tente de reconstruire un projet social intégrant la nécessité de juguler le réchauffement climatique et l’effondrement des espèces. Aucun de ces trois blocs n’est capable de s’assurer le soutien d’une majorité de la population. Seules, les institutions de la cinquième République ont permis à un parti comme LREM, disposant d’une base de 11% de l’électorat [3], d’obtenir 53% des sièges à l’Assemblée nationale, ce qui oblige ce bloc modernisateur à avoir recours à une répression violente et autoritaire du mouvement social pour pallier l’absence d’adhésion à son projet néolibéral [4].

    Cette tripartition du champ politique [5] est le fruit de la lente émergence d’un bloc centriste modernisateur, décomposant la gauche de gouvernement par prélèvement de la classe moyenne éduquée [6], attirée par l’adhésion au projet européen, et décomposant en même temps la droite conservatrice par prélèvement des “CSP+”, cadres du secteur privé et professions libérales, par adhésion au projet néolibéral. Il s’agit là d’une stratégie délibérée [7], explicite dans les desseins de M. Giscard d’Estaing et de M. Barre, ainsi que dans ceux de la deuxième gauche de M. Rocard, de M. Delors puis de M. Strauss-Kahn, théorisés par des groupes de réflexion comme Terra Nova [8] ou les Gracques. Or, cette recomposition du paysage politique ne permet de constituer aucun bloc social majoritaire, ce qui est la caractéristique première d’une crise d’hégémonie. Les tentatives d’élargissement des blocs autour de partitions binaires inopérantes (écologiste vs productiviste, souverainiste vs globaliste, nationaliste vs européiste, libéral vs autoritaire, cosmopolite vs identitaire, progressiste vs populiste, rationaliste vs obscurantiste, etc.) ne font qu’accroître la fragmentation de l’offre politique, empêchant la coalition de groupes sociaux aux intérêts distincts autour d’un même projet politique et d’un même imaginaire social.