• Pourquoi il est faux de dire que les Frères musulmans sont derrière le CCIF - regards.fr

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    Bernard Godard est chercheur associé au CéSor. De 1997 à 2002, il est conseiller du ministère de l’Intérieur, puis au Bureau central des cultes en charge des relations avec le culte musulman. Il est l’auteur de La question musulmane en France : Un état des lieux sans concessions, paru chez Fayard en 2015.

    Regards. À l’occasion de la marche contre l’islamophobie, on a beaucoup lu et entendu parlé des Frères musulmans. Ceux-ci seraient à la manœuvre, notamment derrière le CCIF. Quel est votre avis à ce sujet ?

    Bernard Godard. Quand on parle des Frères musulmans, on évoque un mouvement politique – très mal en point – dont le siège est au Caire. Il y a des déclinaisons, comme l’AKP turc, le Premier ministre marocain ou Ennahda en Tunisie, lesquels s’en inspirent beaucoup. La question est de savoir de quoi l’on parle quand on évoque les Frères musulmans en France ? On parle de l’UOIF (Union des organisations islamiques en France). C’est un mouvement qui s’est constitué en 1983. Dans les années 90, en France, en Angleterre et aux États-Unis, les Frères musulmans ont islamisé, socialisé beaucoup de jeunes musulmans. Ils étaient importants, les jeunes n’avaient pas d’apport religieux indépendant de leurs parents. À l’époque, quelqu’un comme Tariq Ramadan est apparu, d’inspiration Frères musulmans. Il a joué un rôle important dans ce qu’il appelle la « fierté musulmane ». La stratégie des Frères musulmans était d’avoir des mouvements en Europe et aux États-Unis pour jouer un rôle de soutien en cas de révolution – comme on l’a vu en 2011. Mais, très tôt, ils se sont pensés comme « minorités », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas pensé imposer la charia en Occident, mais développer des moyens de défense, comme la lutte contre l’islamophobie. Ils ont misé sur l’intégration des jeunes, sur le thème de l’identité, particulièrement en France. Dès 1989, ils se sont positionnés sur le voile – sans être à l’initiative du mouvement. À partir des années 2000, ça a changé. Samy Debah n’a pas créé le CCIF au nom des Frères musulmans. Ces jeunes-là ont dû quitter les Frères musulmans, il n’y a pas un jeune dans la direction de l’UOIF. Ça reste un mouvement politique très figé, très conservateur. Le tournant, c’est la loi sur le voile, où ils se sont un peu discrédités. Vous avez des gens comme Omero Marongiu qui sont très critiques de la pensée des Frères musulmans.