• 5 décembre : le mécontentement social est « plus fort » qu’en 1995, juge cet historien
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    Le « mécontentement social » et la crise politique sont « plus forts » aujourd’hui qu’en 1995, mais on ne peut pas comparer la mobilisation de jeudi avec la crise d’il y a 24 ans, considère Michel Pigenet, professeur émérite d’histoire contemporaine (Paris I), dans un entretien à l’AFP.

    BERTILLE OSSEY-WOISARD - Les syndicats, notamment la CGT, font un parallèle entre cette mobilisation et celle de 1995, est-ce justifié ?

    MICHEL PIGENET - Ni politiquement, ni socialement et ni syndicalement.

    Politiquement, en 1995, Jacques Chirac vient d’être élu après une campagne menée sur le thème de la « fracture sociale ». Il prend à contre-pied l’opinion en lançant une réforme qui ne figurait pas dans son programme. Aujourd’hui, le projet, inscrit dans le programme d’Emmanuel Macron, arrive à la moitié du quinquennat.

    En 1995, les forces politiques au pouvoir ont un long passé. Le personnel politique en place aujourd’hui, à commencer par l’exécutif, manque sérieusement d’enracinement, sinon d’épaisseur, et, plus grave, de cette expérience qui permet de sentir, de manœuvrer, de négocier.

    Socialement, cette tentative de réforme vient après plusieurs autres généralement menées à bien, mais non sans protestations d’envergure et contre l’avis d’une large partie de la population. Que ce soit en 2003, 2008, 2010, 2016 et 2017. En 1995, Chirac et Juppé ont mis le feu aux poudres par « oubli » de précédents historiques. La dernière tentative de réforme des régimes spéciaux remonte à 1953. Le gouvernement se retrouva avec un mouvement de grève spectaculaire - jusqu’à 4 millions de grévistes - paralysant le pays pendant trois semaines et fut contraint de reculer. En 1995, on se persuade que les temps ont changé. La suite devait rappeler qu’on ne touche pas impunément à des régimes spéciaux. Les gouvernements veilleront à fractionner les réformes (entre 2003 et 2010). Or, cette fois, la « réforme Macron » vise l’ensemble des retraites. Après la crise des gilets jaunes, lancer ce défi est pour le moins audacieux.