• Le gouvernement peut-il sous-traiter l’élaboration de ses projets de loi à une entreprise privée ?
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    SECRET DE FABRICATION Le Conseil constitutionnel vient de valider l’externalisation à un cabinet d’avocats privé de l’étude d’impact et de la rédaction de l’argumentaire d’une loi. Une première


    Le gouvernement a mandaté un prestataire privé, rémunéré, pour préparer son projet de loi sur les transports, promulgué le 24 décembre.
    Cette externalisation de la fabrication d’un texte de loi a été validée par le Conseil constitutionnel le 20 décembre, au grand dam de nombreux parlementaires d’opposition, choqués par cette pratique, et soucieux d’éventuels conflits d’intérêts.
    L’exécutif se justifie en assurant que le cabinet a permis de nourrir l’élaboration du projet de loi, sous le contrôle du gouvernement, avec des expertises dont le ministère des Transports ne disposait pas.

    Le gouvernement peut-il faire écrire une loi par une entreprise ? Oui, a répondu le Conseil constitutionnel le 20 décembre dans un avis passé un peu inaperçu en pleine grève contre la réforme des retraites, à la veille des départs en vacances de Noël. Faut-il alors s’attendre à ce que l’exécutif « sous-traite » de plus en plus la préparation des projets de loi, en faisant appel à des prestataires privés rémunérés ? 20 Minutes fait le point.

    Plusieurs points titillaient les élus, mais leur principale inquiétude résidait dans la manière dont le texte avait été élaboré. « J’avais été très choqué qu’un Premier ministre fasse appel à un acteur privé pour rédiger l’exposé des motifs du projet de loi », dit Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, qui a saisi les « sages » avec d’autres parlementaires PS.
    Une sous-traitance facturée 42.600 euros

    En effet, le gouvernement a lancé le 12 janvier 2018 un appel d’offres pour sous-traiter à une entreprise privée la rédaction de l’exposé des motifs de la loi, qui n’était pas encore présenté en Conseil des ministres. Ce texte accompagne toute loi pour expliquer ses objectifs, en détaillant chaque article et en précisant comment elle modifie le droit. « C’est la philosophie du texte, son orientation politique », résume Jean-Pierre Sueur. « C’est pour cela que cela revient au gouvernement de le rédiger, ou au ministre, dont c’est la fonction de justifier pourquoi il présente une loi », s’étonne-t-il.

    Jusqu’à présent, jamais un gouvernement n’avait sous-traité la rédaction d’une loi, note Michel Lascombe, professeur de droit constitutionnel. « De tout temps, les gouvernements ont consulté des personnes extérieures aux administrations pour élaborer les lois. Ça ne se savait pas, et c’était plutôt informel », rappelle le chercheur. Cet appel d’offres, inédit, a été remporté par un cabinet d’avocats international, Dentons, choisi par le gouvernement en deux semaines, relate le quotidien Le Monde. Sa filière française a planché sur l’exposé des motifs pour l’exécutif, et aussi sur une étude d’impact, facturant 42.600 euros à l’Etat selon l’hebdomadaire Marianne.