RastaPopoulos

Développeur non-durable.

  • Fabrice Flipo, Démocratie des crédules ou arrogance des clercs ?, 2014 | Et vous n’avez encore rien vu...
    https://sniadecki.wordpress.com/2020/01/12/scientisme-bronner

    Le problème est qu’on ne sait pas précisément qui sont ces « militants » ni quels sont leurs arguments, ni s’ils ont effectivement le pouvoir que Bronner leur prête. Les « militants » de l’astrologie sont mis dans le même sac que celui des « militants » anti-OGM ou des « militants » de l’homéopathie. Sociologiquement, cela n’a guère de sens. Les travaux sur l’écologisme montrent par exemple que ce courant politique est plutôt plus rationaliste que la moyenne, et moins « croyant » [4]. L’ensemble fait donc un peu théorie du complot. Il y aurait le vertueux citoyen, qui doute, et le militant aveugle qui s’apprête à l’assaillir.

    Aucun argument sociologique ne vient à l’appui de cette thèse selon laquelle « les militants » sont animés par des croyances, aveugles et irrationnelles, plutôt que des raisons. Chacun constatera pourtant, en s’intéressant aux écrits desdits « militants », qu’il y a lieu d’être plus nuancé que cela, et que si tout n’est pas bon à prendre, tout n’est pas à jeter non plus. Parler de « convictions » au lieu de « croyances », pour traduire belief, au sens de Rawls, pour qui la pierre de touche en matière de jugement est « nos convictions bien pesées » [5], aurait permis d’être un peu moins excessif.

    […]

    Bronner confond science et technique, il confond ce que Bourg et Whiteside distinguent comme « science éclairante » et « science agissante » [6], ce qui lui permet par la même occasion de « démontrer » l’inanité de tous les processus de type « conférence de citoyens », au motif qu’il serait évidemment absurde de débattre de la science, puisqu’il n’y a qu’une vérité (p. 206).

    L’auteur est mal informé sur le contenu de ces processus, qui n’ont jamais cherché à remplacer les scientifiques mais à ouvrir les possibles techniques, ce qui est bien différent. Il est mal informé sur l’usage que les militants font de la science : leur posture minoritaire les conduit au contraire à devoir asseoir plus fermement leurs arguments – ce qui ne veut pas dire avaliser les solutions qu’ils préconisent. Ils ne contestent pas la science en général, puisqu’ils y ont massivement recours. Confondant science et technique, il est amené à s’inscrire dans une posture platonicienne, peu compatible avec la démocratie, récusant comme « populiste » toute intrusion des citoyens dans la gestion des affaires publiques, mis à part les moments électoraux.

    […]

    On peut sans doute suivre l’auteur dans sa mise en cause de l’astrologie ou dans sa critique du droit de telle ou telle conviction « militante » à s’imposer, sans débat. On ne peut le suivre quand il s’en remet aveuglément aux rapports officiels, ou qu’il se refuse à poser la question des procédures de l’expertise, commettant des confusions grossières entre science et technique, science et expertise. Tout porte à croire dans ces conditions que l’accusation de « militantisme », n’étant pas étayée, est utilisée d’une manière purement rhétorique, destinée à disqualifier les parti-pris politiques qui ne sont pas ceux de l’auteur. L’accusation de « militantisme » peut alors être retournée, car il y a aussi un militantisme de l’ordre établi. Bronner s’inscrirait ainsi dans une entreprise de défense de l’ordre moral, à la manière d’un Luc Ferry [12].

    #recension #critique #Gérald_Bronner #Fabrice_Flipo

    • Il est gratiné le Bronner
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/14/colonisation-de-mars-la-science-hollywoodienne-entretient-le-mythe-d-un-exod

      Si l’ouvrage de Sylvia Ekström et Javier G. Nombela est de salubrité publique, c’est que l’idée que nous pourrions ruiner la Terre avant de partir tranquillement vers d’autres soleils séduit des esprits parmi les plus éclairés. Le sociologue médiatique Gérald Bronner, grand pourfendeur des croyances irrationnelles et du principe de précaution, est sans doute l’intellectuel qui l’a formulé avec le plus de clarté. « Si l’on se replace dans la perspective d’un exode, [l] es raisons [d’espérer] sont (…) de plus en plus nombreuses, écrit-il dans “La Planète des hommes” (PUF, 2014). Ce sont par exemple l’existence, avérée à présent, d’exoplanètes, de mondes telluriques qui pourraient un jour nous accueillir, aptes à la biochimie, et présents dans notre galaxie. » Il s’agirait alors de ne pas se rater : après quelques centaines de milliers d’années de voyage, il serait malheureux que le point de chute s’avère impraticable.

      « L’hypothèse de cet exode nous ramène aussi à une réalité essentielle de notre espèce, ajoute M. Bronner en conclusion de son essai. En quittant la Terre, il deviendrait évident que nous sommes humains avant d’être terriens. C’est là un rappel essentiel car l’idéologie précautionniste, en nous proposant un rapport empreint de sentimentalité à la planète qui a vu notre naissance, a tendance à rendre indissociable notre destin du sien. »
      Pour le sociologue qui se réclame du rationalisme, cette confusion « crée un amalgame entre notre identité de terrien et d’humain ». « Elle nous contraint à penser que le problème fondamental est de ne surtout pas risquer de détruire l’espace qui nous permet de vivre, précise-t-il. Etre hypnotisé par cette possibilité, c’est, sous prétexte de précautions inconséquentes, renoncer à coup sûr à préserver l’héritage humain. En évitant l’indésirable, on s’abandonne au pire. »