IV. Cum igitur animum ad Politicam applicuerim, nihil quod novum, vel inauditum est, sed tantum ea, quae cum praxi optime conveniunt, certa, et indubitata ratione demonstrare, aut ex ipsa humanae naturae conditione deducere, intendi ; et ut ea, quae ad hanc scientiam spectant, eadem animi libertate, qua res Mathematicas solemus, inquirerem, sedulo curavi, humanas actiones non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere : atque adeo humanos affectus, ut sunt amor, odium, ira, invidia, gloria, misericordia, et reliquae animi commotiones, non ut humanae naturae vitia, sed ut proprietates contemplatus sum, quae ad ipsam ita pertinent, ut ad naturam aeris aestus, frigus, tempestas, tonitru, et alia hujusmodi, quae, tametsi incommoda sunt, necessaria tamen sunt, certasque habent causas, per quas eorum naturam intelligere conamur, et Mens eorum vera contemplatione aeque gaudet, ac earum rerum cognitione, quae sensibus gratae sunt.
4. Lors donc que j’ai résolu d’appliquer mon esprit à la politique, mon dessein n’a pas été de rien découvrir de nouveau ni d’extraordinaire, mais seulement de démontrer par des raisons certaines et indubitables ou, en d’autres termes, de déduire de la condition même du genre humain un certain nombre de principes parfaitement d’accord avec l’expérience ; et pour porter dans cet ordre de recherches la même liberté d’esprit dont on use en mathématiques, je me suis soigneusement abstenu de tourner en dérision les actions humaines, de les prendre en pitié ou en haine ; je n’ai voulu que les #comprendre. En face des passions, telles que l’amour, la haine, la colère, l’envie, la vanité, la miséricorde, et autres mouvements de l’âme, j’y ai vu non des vices, mais des propriétés, qui dépendent de la nature humaine, comme dépendent de la nature de l’air le chaud, le froid, les tempêtes, le tonnerre, et autres phénomènes de cette espèce, lesquels sont nécessaires, quoique incommodes, et se produisent en vertu de causes déterminées par lesquelles nous nous efforçons de les comprendre. Et notre âme, en contemplant ces mouvements intérieurs, éprouve autant de joie qu’au spectacle des phénomènes qui charment les sens.
Baruch Spinoza, Traité politique 1,4 [Traduit par E. Saisset (Ed. 1842)]