• Nos mots
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    ils maquillent la violence de leur monde comme on maquille un crime

    Ils ont volé nos imaginaires, ils ont pris nos contes et nos légendes, ces histoires racontées dans les veillées par les grands-mères de nos grands-mères quand le froid est à nos portes et que tout le monde craint le loup [1]. Ils ont fait de nos mythologies leurs étendards. Ils ont changé de sens les mots de notre enfance :

    Les Amazones sont des boites en carton répétées à l’infini sous le toit noir des entrepôts ; la caverne d’Alibaba est un immense hangar et les quarante voleurs ont troqué leur liberté contre la misère du salarié, plié en deux sur son chariot. Ils ont brisé nos corps par leur vocabulaire, au nom de leurs projets, ils ont tué le sens de notre travail : « plan social » « développement durable » « capitalisme vert » « système universel », ils maquillent la violence de leur monde comme on maquille un crime. Et nous œuvrons, inconscients, pour leurs mauvais génies : nos billets doux, nos mots d’amour et nos désirs nourrissent en secret leurs algorithmes. Aladdin [2] ne court plus les rues pour un morceau de pain, il ne fait plus la cour à la fille du sultan, prisonnier des murs obscurs il aligne nuit et jour les chiffres et les calculs pour servir leur puissance. BlackRock… un nom si bien trouvé, les complotistes n’en auraient pas rêvé, le mot sent bon l’architecture gothique, les falaises imprenables où le corbeau de Poe, les fantômes et les spectres se sont venus loger : ils nous ont pris nos monstres ! ils ont pris les démons tapis dans nos névroses.

    Alors quoi ? Il faudrait que devant la forteresse le BlackBlock balbutie, le WitchBlock trébuche ? Détruisons-la !