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« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • Contre « la-démocratie » | Frédéric Lordon
    https://blog.mondediplo.net/contre-la-democratie

    Quand Agnès Buzyn annonce aux personnels hospitaliers cette formidable innovation dont elle leur fait la grâce : des postes de beds managers, à quoi avons-nous affaire ? Plus exactement à quel type d’humanité ? Car nous sentons bien que la question doit être posée en ces termes. Il faut un certain type pour, après avoir procédé au massacre managérial de l’hôpital, envisager de l’en sortir par une couche supplémentaire de management — le management des beds . Mais bien sûr, avant tout, pour avoir imaginé ramener toute l’épaisseur humaine qui entoure la maladie et le soin à ce genre de coordonnées. Comme tout le reste dans la société.

    Mais voilà, de la même manière qu’elle pourrait dire qu’elle n’est pas à vendre, la société aujourd’hui dit qu’elle n’est pas à manager. Et que le retrait de l’âge-pivot qui a si vite donné satisfaction à tous les collaborateurs ne fera pas tout à fait le compte.

    Mais qui sont ces gens ?

    Le jet des robes d’avocats, des blouses de médecin, des cartables de profs, des outils des artisans d’art du Mobilier national, mais aussi les danseuses de Garnier, l’orchestre de l’Opéra, le chœur de Radio France, ce sont des merveilles de la politique contre le management des forcenés — génitif subjectif : ici les forcenés ne sont pas ceux qui sont managés mais ceux qui managent (lesquels par ailleurs pensent que les « forcenés », les « fous », comme tout le reste , sont à manager). De la politique quasi-anthropologique, où l’on voit, par différence, l’essence des forcenés qui managent et, à leur propos, surgir la question vertigineuse : mais qui sont ces gens ? Qu’est-ce que c’est que cette humanité-là ?

    À Radio France, Sibyle Veil demeure comme un piquet, statufiée. Belloubet, elle, ne connaît qu’un léger décrochage de mâchoire inférieure, et la même inertie. Le directeur du Mobilier national choisit le déni massif de réalité, et continue son discours, comme les directeurs d’hôpitaux. Que se passe-t-il à l’intérieur de ces personnes ? Se passe-t-il seulement quelque chose ? Y a-t-il des pensées ? Si oui lesquelles ? En fait, comment peut-on résister au-dedans de soi à des hontes pareilles ? Que ne faut-il pas dresser comme murailles pour parvenir à se maintenir aussi stupidement face à des désaveux aussi terribles ? Comment ne pas en contracter l’envie immédiate de disparaître ? Comment continuer de prétendre diriger quand les dirigés vous signifient à ce point leur irréparable mépris ? Quel stade de robotisation faut-il avoir atteint pour ne plus être capable de recevoir le moindre signal humain ?

    Et de nouveau : qui sont ces gens ? Qu’est-ce que c’est que cette humanité-là ?...