• Le podcast natif : média générationnel ou de polarisation sociale ?

    « Marshall McLuhan avançait que la radio, le média de l’ouïe, se
    distinguait par une portée envoûtante qui surpassait tous les autres
    médias. Il se serait donc sans doute intéressé au succès grandissant
    du podcast natif. Cette appellation ésotérique désigne une création
    sonore originale, conçue pour être diffusée sur des plateformes
    numériques. A côté des podcasts d’émissions ou de reportages déjà
    passées sur une radio (le replay basique), à côté de l’enregistrement
    des cours du Collège de France ou de centaines de grandes universités de par le monde, à côté des conférences Ted et de la captation d’événements du même genre, à côté des milliers de livres audiovisuels dédiés à la connaissance ou à la fiction, le podacst natif propose des contenus différents, souvent hors des sentiers battus, en direction des 25-40 ans.

    Il constitue en quelque sorte la catégorie « art et
    essai » de l’art sonore. Comme ces productions sont en général conçues et réalisées par des journalistes du même âge, par un jeu de miroir, se dessine un état d’esprit générationnel intéressant à décrypter.

    (…)

    L’impact mis sur la parole intime favorise l’émergence de communautés autour de certains podcasts, notamment pour les minorités sexuelles.

    D’autres podcasts ressemblent aux magazines de société diffusés sur
    les radios, mais cette forme de production donne plus de marge de
    liberté aux journalistes, les autorisant à de profondes explorations
    sur un même sujet – par exemple la série sur le Planning familial de
    Marseille (produit par l’association elle-même). Mille sujets sont
    abordés dans ces modules natifs, beaucoup concernent les émotions, la vie relationnelle, les aliments, la santé et l’éducation, le travail.
    Un sujet tombe radicalement à la trappe : la politique. Dans cette
    foison de récits, la parole est brute, sans fard, la présence des
    interviewers est discrète, aucune polémique, aucune charge morale ne pèse sur ces témoignages, les montages sont secs, peu enjolivés de musique ou d’effets sonores.

    (…)

    Dans une société de la connaissance, où un cinquième des nouvelles
    générations suit des études longues, plusieurs conditions sont donc
    réunies pour que prospère le marché de ces contenus sonores. Dans le mouvement de segmentation sans cesse accentuée des types de médias, les trentenaires CSP+ privilégient les médias de niche à haut contenu culturel ou informatif et à la demande, sans toutefois s’éloigner radicalement des médias de masse. L’engouement des nouvelles générations pour les radios libres dans les années 80, ou pour les réseaux sociaux dans les années 2000, englobait les différentes parties de la jeunesse et, somme toute, a fonctionné selon une dynamique fédératrice. Le podcast natif semble correspondre au choix inverse, en tout cas pour le moment : rester dans une bulle culturelle sélective, maîtrisée, loin du tintamarre médiatique. Un zeste de polarisation supplémentaire. »

    https://www.telos-eu.com/fr/le-podcast-natif-media-generationnel-ou-de-polaris.html