• Record de chaleur en Antarctique
    Fabien Deglise, Le Devoir, le 14 février 2020
    https://www.ledevoir.com/monde/572934/deuxieme-record-de-chaleur-en-antarctique-en-moins-d-une-semaine

    Le phénomène a été qualifié d’« incroyable et d’anormal » par les chercheurs à l’origine de la mesure. Dimanche, une température inédite de 20,75 °C a été enregistrée par une station scientifique de l’Antarctique. Il s’agit d’un record de chaleur dans l’histoire météorologique de cette région du globe, la plus froide de la planète, mais également la deuxième pointe historique enregistrée depuis le début du mois de février.

    « Les incursions d’air chaud se produisent en Antarctique, comme ici d’ailleurs, en été et en hiver, résume Jean-Pierre Blanchet, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM. Ce n’est donc pas un phénomène inhabituel. Par contre, il est assez inusité d’avoir un + 20 °C en Antarctique. Même si l’on est en été là-bas. Et même si la mesure a été prise en périphérie de la péninsule. »

    C’est à 13 h dimanche dernier, sur l’île Seymour, dans les basses terres, que l’équipe de scientifiques brésiliens qui y est installée a mesuré cet extrême et nouveau record de chaleur. La température moyenne y est de 1 °C en été. Le précédent record remontait à janvier 1982 : une température de 19,8 °C avait alors été enregistrée sur l’île Signy, dans l’archipel des îles Orcades du Sud, où la moyenne maximale en février est de 2,9 °C.

    Loi des séries ? Jeudi dernier, l’Institut météorologique argentin a annoncé un autre record de chaleur à la station scientifique d’Esperanza où il a fait 18,3 °C, soit la plus haute mesure du niveau du mercure sur l’ensemble de ce territoire austral depuis 1961. La température dépasse de 0,8 °C le précédent record établi le 24 mars 2015 sur cette base. Rappelons qu’en Antarctique la température annuelle moyenne est de -57 °C.

    L’Organisation météorologique mondiale (OMM) doit amorcer dans les prochains jours une évaluation des données récoltées par les scientifiques afin de confirmer ces deux nouveaux records. « Toutes les constatations faites à ce jour vont dans le sens d’un record en bonne et due forme, a indiqué par voie de communiqué le rapporteur de l’OMM pour les extrêmes météorologiques et climatiques, Randall Cerveny, au lendemain de la mesure effectuée par l’Argentine la semaine dernière. Selon lui, le phénomène serait lié à un épisode local de foehn, ce réchauffement rapide d’une masse d’air qui s’écoule le long d’une pente ou d’une montagne.

    « Nous constatons une tendance au réchauffement sur l’ensemble de nos sites d’observation, mais nous n’avions encore jamais vu quelque chose de la sorte », a indiqué au quotidien britannique The Guardian Carlos Schaefer, professeur au Département des sols de l’Université fédérale de Viçosa au Brésil. L’homme travaille en Antarctique sur le projet Terrantar qui mesure les effets des changements climatiques sur le pergélisol et la biologie de 23 sites sur la péninsule. Il précise que depuis 20 ans la température est devenue irrégulière, sur les îles Shetland du Sud et l’archipel James Ross, dont l’île Seymour fait partie, et que ces irrégularités sont rythmées par des pointes de chaleur dans la dernière décennie, qui ne relèvent pas d’une croyance, mais bien d’un phénomène scientifiquement mesurable.

    La péninsule antarctique, à l’extrémité nord-ouest du continent, proche de l’Amérique du Sud, se distingue à l’échelle planétaire, sur le plan météorologique, en raison de son climat qui s’y réchauffe plus rapidement qu’ailleurs sur Terre. Les températures moyennes y ont grimpé de 3 °C ces 50 dernières années, contre environ 1 °C pour le reste de la planète. La quantité de glace perdue annuellement sur l’inlandsis antarctique a été multipliée par sept entre 1979 et 2017. L’incursion d’eau de mer relativement chaude sous les barrières de glace est à l’origine de ce phénomène de destruction lente de ce capital glaciaire.

    « Avec le réchauffement climatique, les anomalies, improbables dans certaines zones, deviennent désormais probables, dit M. Blanchet. Il faut maintenant rester attentif à ces variations, pour voir si elles vont se reproduire sur une période de 30 ans. C’est ce qui fait la différence entre un événement météorologique et un changement climatique. Le climat de la planète, c’est un peu comme le rhume chez l’être humain. Si vous en avez un, de manière sporadique, c’est normal. Mais si vous en avez un toutes les semaines, cela devient problématique et surtout le signe que quelque chose d’autre ne va pas. »

    L’année 2019 a conclu une décennie marquée par sa chaleur exceptionnelle à l’échelle mondiale, selon l’OMM, et ce, « en raison des gaz à effet de serre produits par les activités humaines », a souligné l’organisme international il y a quelques semaines. Et la tendance se poursuit puisque le premier mois de l’année 2020 a été le plus chaud enregistré depuis 1850.

    Cette hausse des températures a des conséquences naturelles sur les calottes glaciaires qui perdent des milliards de tonnes chaque année. Depuis 2012, l’Antarctique en a perdu 219 milliards annuellement, soit trois fois plus qu’avant cette année, selon une étude menée sur plus de 25 ans par une équipe de chercheurs de la NASA. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature en 2018. C’est ainsi 8 % du pergélisol qui est menacé de disparition, principalement dans l’Antarctique Ouest où la perte des glaces s’est accélérée dans les premières décennies de ce siècle. Si l’ensemble des terres glacées de ce territoire austral devait fondre, le niveau des océans grimperait alors de… 60 mètres, estime l’OMM, avec dans la foulée une perte de salinité essentielle à leur faune et leur flore.

    #Antarctique, à rajouter plus tard à la quatrième compilation :
    https://seenthis.net/messages/818991

    #effondrement #collapsologie #catastrophe #fin_du_monde #it_has_begun #anthropocène #capitalocène