• Neuf femmes sur dix ont déjà ressenti une pression pour avoir des relations sexuelles
    https://www.liberation.fr/france/2020/03/03/neuf-femmes-sur-dix-ont-deja-ressenti-une-pression-pour-avoir-des-relatio

    Le collectif #NousToutes publie les résultats d’une enquête en ligne à laquelle près de 100 000 femmes ont répondu. Près d’une sur deux fait état d’au moins un viol potentiel subi. Et la question du consentement reste difficile à aborder avec leurs partenaires.

    Neuf femmes sur dix ont déjà ressenti une pression pour avoir des relations sexuelles

    Quatre-vingt-seize mille six cents répondantes et des résultats sans appel : une étude menée en ligne par le collectif #NousToutes souligne la méconnaissance du consentement en France. Du 6 au 17 février, ces femmes, aux trois-quarts âgées de moins de 35 ans, ont répondu à un questionnaire sur les relations hétérosexuelles en trente questions. Parmi ces dernières : « Au cours de votre vie, avez-vous déjà ressenti une pression de la part d’un partenaire pour avoir un rapport sexuel ? », « un partenaire vous a-t-il déjà menacé (explicitement, par sous-entendu ou sur le ton de l’humour) d’aller voir ailleurs ou de vous quitter si vous n’acceptiez pas un rapport sexuel ? », « à propos de votre premier rapport sexuel : diriez-vous que celui-ci était désiré et consenti ? », ou encore : « Est-il déjà arrivé que le rapport se poursuive malgré le fait que vous ayez demandé d’arrêter ? »

    Les résultats : neuf répondantes sur dix ont déclaré avoir déjà ressenti une pression de la part d’un partenaire et, parmi elles, neuf sur dix encore l’ont vécu plusieurs fois. Près d’une répondante sur deux dit avoir fait l’objet de propos dévalorisants d’un partenaire. Exemples de menaces entendues par ces femmes, citées par #NousToutes dans son communiqué : « Franchement, la prochaine fois j’irais voir ailleurs. Tu es frigide ! » ; « Il faudrait que tu maigrisses un peu, je ne suis plus attiré » ; « A quoi ça sert d’avoir une meuf si je peux pas baiser avec ? »...
    Une répondante sur deux victime d’un viol potentiel

    Dans ces circonstances, elles sont nombreuses, près de deux sur trois, à avoir eu un ou plusieurs rapports non consentis (avec ou sans pénétration), y compris le premier rapport de leur vie pour 16,6 % d’entre elles. Plus d’une sur deux (53 %) fait état d’un « rapport avec pénétration non consenti » commis par au moins un partenaire. Selon 15,2 % des répondantes, il est arrivé au moins une fois qu’un partenaire agisse de la sorte pendant leur sommeil. Des faits qui « pourraient potentiellement s’apparenter à un viol selon le code pénal », précise Caroline De Haas, du collectif #NousToutes, à Libération. Mais par égard pour les répondantes, qui auraient pu mal vivre la présence du mot « viol », celui-ci ne figurait pas dans le questionnaire, explique-t-elle : « Répondre "oui" à la question de savoir si on a subi un viol, ça peut être dur ». Même si « le fait de nommer les choses permet de prendre conscience de leur gravité », cela aurait aussi pu déboucher sur une sous-déclaration de ces viols potentiels.

    Le poids de l’autocontrainte dans les réponses, lui, est révélateur du fait que l’« on ne vit pas encore dans une société dans laquelle le rapport et au corps et à ses désirs est libéré », analyse Caroline De Haas. Ainsi, 70 % des répondantes ont « déjà eu l’impression d’avoir des rapports sexuels, sans pression de [leur] partenaire, alors qu’[elles] n’avaient pas envie ». « Pour lui faire plaisir », « pour ne pas avoir à me justifier sur pourquoi je n’ai pas envie », « parce que ça faisait longtemps », expliquent la plupart. Les trois-quarts ont déjà demandé à arrêter un rapport sexuel en cours, mais parmi elles, 38,2 % disent que le rapport a continué malgré tout. Elles sont également 62,7 % à ne pas s’être senties autorisées à demander l’arrêt d’un rapport.
    « Dans le doute, on demande »

    Confrontées à ces situations et aux autres évoquées dans le questionnaire, comment les femmes réagissent-elles ensuite ? Seule une répondante sur quatre a osé en parler avec le partenaire concerné, ce qui a amené ledit partenaire à arrêter moins d’une fois sur deux. Là aussi, les normes sociales règnent : « Cela veut dire que les gens ne parlent pas de sexe, de plaisir, de ce qu’ils aiment, de ce qu’ils n’aiment pas », dit Caroline De Haas.

    Pour elle, « la question du dialogue est centrale : il faut se parler ». Parmi les conseils livrés par le collectif #NousToutes en conclusion de l’enquête : « discuter avec l’autre de sexe et de sexualité, de ce qui fait plaisir ou ce qui inquiète », « écouter et surtout entendre ce dont l’autre a envie ou pas », « reconnaître que le fait d’être ensemble n’implique pas automatiquement le fait d’avoir des rapports sexuels »... « Le consentement obtenu sous la contrainte n’en n’est pas un », souligne le collectif, rappelant que « si l’autre ne dit rien, cela ne signifie pas forcément "d’accord". Dans le doute, on demande. »
    Frantz Durupt