• Alors pour votre information, concernant l’étude du Pr Didier Raoult sur la Chloroquine :

    Sartorius
    @Tsarorius
    ·https://twitter.com/Tsarorius/status/1240429725941731328
    19 mars

    1) Rappels :

    Pour tester un médicament, on fait deux groupes de patients. Un groupe reçoit le traitement que l’on teste, et l’autre ne le reçoit pas. Les chercheurs ont donc fait un groupe « Chloroquine » et un groupe « Témoin ».

    On traite ensuite les patients et on observe ce qu’il se passe. Ici, les auteurs ont choisi de regarder le nombre de patients qui n’avaient plus le virus au bout de 6 jours de prise en charge.

    Ils ont donc comparé le pourcentage de patients qui n’avaient plus le virus dans le groupe Chloroquine avec le pourcentage de patients qui n’avaient plus le virus dans le groupe Témoin

    2) L’étude est un « open label non randomized clinical trial » = le pire de ce qui se fait en terme de méthodologie des essais cliniques. Ça peut se justifier dans certains cas, quand on peut pas faire autrement. Il est douteux qu’une méthodologie aussi faible soit nécessaire ici.

    Pour info :
    « open label » = étude en ouvert = le patient et le médecin savent dans quel groupe est le patient. Par opposition à la procédure de « double aveugle » où ni le patient ni le médecin ne savent dans quel groupe est le patient.

    « non randomized » = les groupes n’ont pas été constitués par tirage au sort. Par opposition à la méthodologie classique où les patients sont affectés à chaque groupe (groupe Chloroquine ou groupe Témoin) au hasard.

    3) Quand on fait des mesures répétées chez des patients au cours d’une étude, on utilise des tests statistiques particuliers. Dans cette étude des mesures répétées de charge virale ont été réalisées mais ces tests statistiques ne semblent pas avoir été réalisés.

    4) Parmi les patients du groupe « Chloroquine » (le groupe des patients traités), 6 patients ont été exclus de l’analyse car « perdus de vue ».

    « Perdu de vue » dans une étude ça veut dire qu’on ne peut pas observer ce qu’il se passe chez ces patients.
    Ici, ils ont été exclus de l’analyse. C’est à dire que les auteurs ont choisi de ne pas les prendre en compte dans le calcul du pourcentage de patients n’ayant plus le virus dans le groupe Chloroquine.

    En effet quand on inclut des patients dans une étude, il peut arriver pour tout un tas de raison que ces patients quittent l’étude, ne donnent plus de nouvelles. Ça arrive.

    Ici, ils ont été exclus de l’analyse. C’est à dire que les auteurs ont choisi de ne pas les prendre en compte dans le calcul du pourcentage de patients n’ayant plus le virus dans le groupe Chloroquine.

    Or ces patients (tous du groupe Chloroquine) ne sont pas tout à fait anodins.

    Parmi les patients « perdus de vue » (tous du groupe « Chloroquine » !), on a donc :
    – 3 patients transférés en réanimation (!!!)
    – 1 patient décédé (!!!)
    – 1 patient qui a décidé de sortir de l’hôpital et qui n’avait pas de virus le jour 1 (??? était il vraiment malade ???)

    – 1 patient qui a eu un effet indésirable de la Chloroquine et a voulu arrêter sa participation à l’étude (!)

    Il est compréhensible que le patient décédé, le patient sorti, et le patient qui a eu un effet indésirable et a voulu sortir de l’étude soient considérés comme des « perdus de vue ».

    Mais pour les patients qui ont été transférés en réanimation on aimerait avoir plus d’info sur leur devenir et pourquoi l’étude n’a pas pu être poursuivie en lien avec le service de réanimation.

    5) Tous les patients du groupe « Chloroquine » ont été pris en charge à Marseille. Les trois autres centres n’ont fourni que des témoins. C’est un biais de sélection majeur.

    7) Le suivi n’a pas été le même pour tous les patients.

    8) A noter que le patient décédé est décédé à J3 alors que sa charge virale était négative depuis J2. Dans une vidéo publiée sur Youtube où Didier Raoult présentait les résultats de cette étude, il affirmait que « Si vous n’avez plus le microbe vous êtes sauvé ».

    9) Enfin, cette étude a porté sur un très faible nombre de patients.

    10) Certains patients du groupe Chloroquine ont reçu un autre traitement (de l’Azithromycine) en plus de la Chloroquine. Dans son article (et sa vidéo), le Pr Didier Raoult présente l’azithromycine tantôt comme un antibiotique, tantôt comme... un antiviral !

    11) En conclusion :

    – Cette étude, portant sur un très faible nombre de patients, possède des biais majeurs, pas forcément justifiés.

    – Peut-être que la Chloroquine est efficace pour réduire la charge virale des patients COVID-19. Mais :
    Ce n’est pas cette étude qui permet de l’affirmer
    Ça n’en ferait pas le traitement miracle annoncé par le Pr Didier

    ADDENDUM :

    12) Un truc (énorme) m’avait échappé : pour certains patients, les dosages n’ont pas été faits.

    Les auteurs présent dans un tableau des pourcentages de patients « with virological cure » c’est à dire qui n’ont plus le virus.

    Parmi les patients du groupe Témoin, beaucoup n’ont pas eu les dosages de suivi chaque jour jusqu’à J6.

    Les patients qui n’ont pas eu le dosage ont été considérés comme positifs !

    Dans le tableau 3, les auteurs présentent ainsi les résultats à J6 :
    Dans le groupe témoin : 2 patients sur 16 sont « virological cure », ce qui laisse supposer que 14 patients sont toujours porteurs du virus. Or en réalité, sur ces 14 patients, 5 n’ont pas été testés !

    Pire : dans le groupe Chloroquine, les auteurs présentent un pourcentage de 14 patients négatifs sur 20 à J6. Or parmi ces 14 patients, 1 patient n’a pas été testé !

    Donc dans le groupe Témoin, les patients non testés sont considérés comme positifs, et dans le groupe Chloroquine le patient non testé est considéré comme négatif !

    Magique.

    J’en profite pour partager un article du très bon blog de Hervé Maisonneuve (@hervemaison
    https://www.redactionmedicale.fr/2020/03/covid-19-la-bagarre-pour-publier-vite-nest-pas-acceptable-car-de-m