grommeleur

Wrong’Em Boyo

    • Quand un virus « déborde » d’une autre espèce hôte vers l’homme, on parle de zoonose. Quammen estime que 60 % environ de nos maladies infectieuses ont une origine animale. Parmi elles, la maladie de Lyme (transmise par les tiques), la fièvre du Nil occidental (le plus souvent communiquée par les moustiques), la peste bubonique (causée par les puces) et tous les types de grippe (1). « Zoonose, écrit Quammen, est un mot d’avenir, dont le XXIe siècle fera grand usage. »

      En essaimant sur la planète, l’espèce humaine a altéré les habitats, grands ou microscopiques. Résultat, la nature se désagrège rapidement sous nos yeux, ou du moins se réorganise de manière imprévisible, et Quammen écrit depuis des années sur les conséquences du phénomène. Dans un précédent ouvrage paru en 1996 (3), il définissait son sujet comme « l’extinction des espèces dans un monde mis en pièces ». Spillover en est la suite logique. Si des maladies peuvent « résider sans jamais être détectées » dans un écosystème intact, « le dérèglement écologique provoque leur émergence ». L’humanité n’a pas seulement bouleversé, fragmenté et déchiré son tissu relationnel avec les animaux ; elle a aussi offert pour cible aux microbes opportunistes ses propres tissus et ses propres cellules.

      Populeuse et affamée, l’humanité fait bon marché de la classification des espèces et cantonne le bétail à proximité d’espèces sauvages. Qui plus est, certains de ses membres traversent l’océan en un jour. Dans ces conditions, l’épidémie de SRAS aurait pu être bien plus grave. Le fait que les autorités chinoises aient finalement réussi à s’organiser et se soient montrées intraitables en matière de quarantaine – elles allèrent jusqu’à sanctionner d’une amende de 300 dollars le moindre crachat dans un lieu public – aura contribué à éviter un plus grand désastre, de même que l’excellence des hôpitaux de Toronto et de Chine. (Que se serait-il passé si la maladie était apparue à New Delhi ?)

      « Lorsque surviendra le “Next Big One”, prédit l’auteur, on peut parier que c’est à ce schéma pervers que se conformera le virus : un niveau élevé d’infectiosité précédant l’apparition de symptômes notables, lui permettant de se propager à travers villes et aéroports tel un ange de la mort. »

      Ces animaux, explique Calisher, sont nombreux (un mammifère sur quatre est une chauve-souris), et très sociables. « Plusieurs espèces se perchent en d’énormes attroupements qui peuvent compter des millions d’individus agglutinés », poursuit Quammen. Et d’ajouter qu’« il n’est pas anodin que les chauves-souris soient capables de voler », propageant ainsi leurs infections à de nouvelles populations. Cela ne vous rappelle rien ? Cela devrait, car cela nous ressemble beaucoup.

      Cet article est paru dans la New York Review of Books le 25 avril 2013. Il a été traduit par Delphine Veaudor.