• Oui et les mêmes qui autorisent les testes sauvages de Raoult refusent toujours ces testes vétérinaires
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      Tests Covid-19 : les labos de santé animale réclament d’être réquisitionnés
      29 mars 2020 Par Lucie Delaporte

      Selon nos informations, les laboratoires publics de santé animales alertent depuis près de deux semaines le ministère de la santé sur leur capacité de produire en grand nombre des tests. Quatre présidents de départements sont montés au créneau.

      Le ministre de la santé l’a promis : deux millions de tests pour le Covid-19 seront livrés en avril. Cette commande est, selon Olivier Véran qui s’exprimait jeudi soir sur France 2, « un maillon essentiel de notre stratégie pour tester massivement les Français et pour rendre accessible le dépistage aux plus fragiles, dans nos Ehpad ». Dans un nouveau point presse tenu samedi, le gouvernement a expliqué que la France réaliserait d’ici fin avril 50 000 tests par jour.

      La France, confrontée depuis le début de la pandémie à une pénurie de tests Covid-19, a-t-elle tout mis en œuvre pour favoriser la production de ces tests ?

      Aujourd’hui, de nombreux biologistes s’interrogent. Et alors que l’OMS recommande depuis le début de l’épidémie de généraliser les tests, certains se demandent pourquoi un grand plan pour la production de ces tests n’est toujours pas lancé.

      L’argument du manque de réactifs pour les produire – le gouvernement assure passer commande dans le monde entier – est peut-être un peu court, alors que la France n’a pas dressé d’état des lieux précis du stock dont le pays dispose dans les différents laboratoires existants.

      Sur ce point, les acteurs publics de la santé animale s’étonnent de ne pas avoir été jusqu’ici mis à contribution. Selon nos informations, les biologistes spécialisés dans la virologie vétérinaire qui travaillent au sein des laboratoires départementaux assurent pouvoir contribuer à grande échelle et, pour certains dès aujourd’hui, à la production de tests Covid-19. Et ils en ont alerté les autorités de santé depuis une dizaine de jours.

      « Nous attendons d’être réquisitionnés », explique Sophie Létard, porte-parole du laboratoire Inovalys, un groupement d’intérêt public rassemblant quatre laboratoires départementaux en Indre-et-Loire, et particulièrement en pointe sur la virologie animale. « Nous ne souhaitons pas créer de polémique. Nous attendons l’aval des autorités », précise-t-elle.

      Depuis notamment la crise de la vache folle, la France a considérablement renforcé les moyens de la recherche publique en matière de surveillance épidémiologique en santé animale. Gérés par les départements, ces laboratoires possèdent toute l’infrastructure nécessaire pour réaliser des tests pour le coronavirus.

      Le laboratoire Inovalys pourrait, une fois le feu vert reçu, produire plus de 1 000 tests Covid-19 par jour, quand la France n’en produisait jusqu’à récemment que 5 000 par jour sur tout le territoire. Et d’autres laboratoires départementaux pourraient faire de même.

      Comment un laboratoire spécialisé dans la santé vétérinaire peut-il être utile dans le cas du Covid-19 qui touche l’homme ? Au laboratoire, un biologiste nous explique que la question de l’adaptation de ces techniques à la biologie humaine ne se pose pas pour ces tests, qui ne seraient « en réalité pas très complexes à réaliser » et surtout sans danger pour la santé. « Nous avons une grosse expérience de la PCR [la technique PCR pour « Polymerase Chain Reaction », qui permet la détection du génome d’agents infectieux, est celle utilisée dans les tests du Covid-19 – ndlr] car nous traitons de nombreuses maladies qui ne sont détectables que par cette technique », nous explique ce fonctionnaire. « L’OMS a donné les amorces et les sondes des réactifs qui assurent la sensibilité au Covid-19. Nous avons tout ce qu’il faut pour les réaliser », poursuit-il.

      L’innocuité de tels tests réalisés par des laboratoires vétérinaires ne se pose pas, selon lui. « C’est une technique par prélèvements. Ce n’est pas intrusif », précise-t-il.

      À ce stade, les freins sont règlementaires et politiques.

      Face à la diffusion exponentielle des cas de Covid-19, et voyant que les pouvoirs publics ne leur demandaient rien, les équipes de ces laboratoires départementaux se sont, de leur propre initiative, rapprochés du CHU de Tours pour leur donner, dans l’urgence des kits de prélèvements dont ils disposaient mais aussi des réactifs pour réaliser ces tests dont les hôpitaux manquent cruellement.

      Mais au-delà de ces solutions immédiates, ils s’impatientent. Selon nos informations, de nombreux échanges ont eu lieu depuis dix jours avec les autorités compétentes, notamment avec l’ARS, sans que rien ne bouge. Contactée, l’ARS Centre-Val de Loire nous a répondu que l’examen de ce dossier était « en cours ». En clair, ils attendent le feu vert du ministère.

      Dans un courrier adressé le 25 mars au ministre de la santé, que s’est procuré Mediapart(et également cité dans cet article de France Bleue), les présidents de quatre départements (Sarthe, Touraine, Anjou et Loire-Atlantique) alertent sur la situation. « Notre démarche a pour but de vous aider à développer, le plus rapidement possible, les tests Covid-19 à destination des personnels qui sont en première ligne », écrivent-ils à Olivier Véran.

      « À cet égard, à côté des tests réalisés par les CHU et les laboratoires privés, et que vous souhaitez amplifier, notre laboratoire vétérinaire et de biologie Inovalys dispose des équipes, des compétences et des matériels pour effectuer des analyses de biologie moléculaires (PCR) en grande quantité de l’ordre de 1 000 tests Covid-19 par jour », exposent-ils.

      « L’argument du cadre juridique, en cette période de “guerre” ne nous paraît pas recevable », avancent les élus en arguant qu’« à ce niveau de gravité de la pandémie, il n’est pas possible que médecine humaine et médecine vétérinaire soient si étanches alors que les organisations internationales évoquent régulièrement le concept de “One health” ».

      Pour assurer une rigueur scientifique et un cadre juridique clair à cette coopération exceptionnelle, les présidents des départements admettent qu’il convient évidemment de poser des garde-fous. Ces laboratoires vétérinaires devront être « expressément réquisitionnés par l’État » et la réalisation de ces tests devra se faire dans « une collaboration étroite avec les laboratoires de virologie des CHU », qui auront préalablement validé la méthode PCR employée.
      « Il ne nous reste que quelques jours pour optimiser nos moyens de lutte »

      « Nos équipes, en première ligne, ne comprendraient pas que tous les moyens disponibles, en particulier l’augmentation du nombre de tests, n’aient pas été mis en œuvre par l’État […] afin de préserver leur santé », tancent les présidents de ces quatre départements.

      Rappelant que leurs départements n’étaient pour l’instant pas les plus touchés, il soulignent qu’« il ne [leur] reste que quelques jours pour optimiser [leurs] moyens de lutte, en premier lieu les tests » : « C’est pourquoi […] nous en appelons à votre décision qui nous permettrait d’être rapidement opérationnel et participer activement à la lutte contre cette pandémie. »

      Au-delà de ce pan de la recherche publique en santé animale, les laboratoires vétérinaires privés affirment eux aussi pouvoir être mis à contribution. « Nous nous en rendons compte depuis le Sras, les virus animaux et humains sont très voisins. Nous connaissons très bien les coronavirus chez la volaille, les porcs », affirme par exemple Éric Sellal, à la tête du labo vétérinaire BioSellal à Lyon.

      Pour commercialiser ces tests dans le monde vétérinaire, il faut répondre à une norme Afnor. Pas la même évidemment que pour la biologie humaine. Mais lui aussi assure être dans son laboratoire à même de produire rapidement des tests Covid-19 grâce, là encore, aux données rendues publiques par l’OMS. « On a fabriqué un test chez nous en utilisant les recommandation de l’OMS. Nous avons, comme d’autres labos vétérinaires, les stocks de réactifs », explique-t-il. « Quand j’ai appris la pénurie de tests, j’ai contacté le syndicat des industries du médicament vétérinaire, mais aussi l’Anses, l’Institut Pasteur… Le problème est que tout le monde est sous l’eau. Mais c’est rageant que nous ne puissions pas aider dans la période actuelle », déplore-t-il.

      Pour Lionel Barrand, président du syndicat des jeunes biologistes médicaux, la contribution des chercheurs spécialisés en santé animale doit être fermement encadrée. « Nous sommes, nous, soumis à une norme ISO qui est très contraignante et qui est adaptée à la biologie humaine. Il faut donc s’assurer de la qualité des techniques mises en place, ce qui ne peut se faire d’un claquement de doigt. Il faudra donc sans doute attendre plusieurs mois », regrette-t-il, en expliquant que « cette question aurait été pertinente si on se l’était posée au mois de décembre. Là, c’est peut-être un peu tard ».

      Auteur d’un appel au dépistage massif (un texte cosigné avec Didier Payen, ancien chef du service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Lariboisière), Laurent Lagrost, directeur de recherche à l’Inserm, considère, face à l’urgence sanitaire, que les procédures habituelles en cours doivent être interrogées. Et qu’il n’est pas trop tard. « Dans le monde de l’avant-Covid, il y avait effectivement une procédure de certification qui consiste à s’assurer des bonnes pratiques », détaille-t-il.

      « Aujourd’hui, il faut faire un appel aux compétences sur le terrain en qui, je crois, il faut faire confiance. Ils sauront avec les réactifs à leur disposition trouver les astuces pour contourner les obstacles de pénurie de tel ou tel produit », affirme-t-il. « Beaucoup de laboratoires ont l’habitude de réaliser ces tests PCR, qui sont, somme toute, très classiques », ajoute-t-il. Pour lui, ce grand plan de dépistage doit mobiliser dans un schéma plus large les laboratoires de ville mais aussi les laboratoires de recherche.

      Jusque-là le ministère, qui évoque désormais la piste de tests sérologiques – actuellement en cours de fabrication –, semble hésiter dans sa stratégie.

      Contacté en début de semaine, le cabinet d’Olivier Véran nous a finalement répondu vendredi soir que « la piste évoquée est actuellement étudiée avec beaucoup d’attention. Elle nécessite cependant de revoir la certification puisque la norme ISO 17025 n’est pas celle de l’humain ». Le cabinet du ministre de la santé précise aussi que « la ligne de dépistage PCR doit être tout à fait exempte de contamination de matériel animal pour ne pas donner de résultats erronés », ce que les biologistes vétérinaires n’ignorent sans doute pas.

      Bref, au ministère de la santé, la réflexion est donc plus que jamais « en cours », alors que l’explosion des cas de Covid-19 a déjà submergé les hôpitaux français.