• Les conseils d’une spécialiste pour éviter la psychose du coronavirus - Mieux-vivre - Le Télégramme
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    Une des clefs pour éviter la psychose est de ne pas aller chercher l’information partout.
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    Afin de mieux gérer ses émotions au quotidien face aux chiffres et à la peur grimpante du coronavirus, une thérapeute livre ses conseils. Le plus important : rester détaché et éviter d’aller chercher l’information partout.

    Thérapeute spécialisée dans les troubles anxieux, Sylvie Le Moullec a dû s’adapter à la situation, comme tout professionnel, et propose des séances par visio-conférence ou appel téléphonique, « c’est différent, forcément ».

    Mais ça n’a pas suffi. « Mes patients ont annulé quasiment toutes les thérapies en cours, dans l’idée que le confinement ne durerait pas longtemps ». Avant qu’elle n’observe, depuis l’annonce du prolongement des mesures, une augmentation de la demande. « Il y a de plus en plus de personnes que ça inquiète, et qui viennent demander une consultation en visio ou par téléphone. Et ça va aller en augmentant », prédit même la psychologue qui tient deux cabinets à Quimper et Brest.

    Car, le confinement et la situation réveillent des troubles anxieux chez certains. Comment ne pas céder à la psychose de la contamination ? Résister à ses peurs profondes ? Sylvie Le Moullec a accepté de faire le tour de la question.

    Quel type de personnes vous sollicitent depuis le confinement ?
    Ce sont majoritairement les patients qui avaient déjà des thérapies en cours pour les tocs (troubles obsessionnels compulsifs), les phobies, l’alcoolisme, les prises excessives de médicaments ou les troubles alimentaires.

    La prise excessive de médicaments ?
    Oui, ça résulte d’une peur. Les médicaments permettent d’éviter de vivre, de se mettre en situation d’attendre et de vivre dans un monde parallèle. C’est pareil avec l’alcoolisme. Des patients que je suivais en thérapie recommencent à boire, ils sont gênés de faire une thérapie en ligne. En plus, ça paraît sociologiquement acceptable de boire en cette période de confinement, il n’y a qu’à voir les réseaux sociaux, avec les apéros en ligne… Il n’y a plus cette culpabilité qu’il y avait derrière.

    Vous confie-t-on régulièrement la peur d’être infecté par le coronavirus ?
    Pour ceux qui avaient déjà une phobie de la contamination et avec qui j’avais une thérapie en cours, ça se remet en place depuis le confinement. Ils mettent des gants, des masques depuis longtemps déjà, ils laissent séjourner leurs courses 48 heures à l’extérieur de chez eux, avant de les rentrer, pour que ce soit décontaminé.

    Comme si leur entrée était un sas, que c’était sain à l’intérieur et malsain à l’extérieur. Une personne m’a dit qu’elle lavait systématiquement les œufs avant de les casser, de peur que le virus ne rentre à l’intérieur de l’œuf. Ces peurs-là commencent à s’intensifier.

    La raison perd du terrain…
    Tout à fait. Le cerveau est ainsi fait qu’il est là pour nous protéger de ce qui pourrait arriver. Alors que les messages incessants, les flashs sur les téléphones portables font que les gens se mettent en état d’hyper-vigilance et se préparent à tout danger. Même à ceux qu’on invente. Car quand le cerveau n’en trouve pas, ils vont en chercher plus loin…

    À quoi répond l’automatisme d’associer le moindre symptôme à ce coronavirus ?
    Cela répond à l’information envoyée tout le temps. Les personnes se mettent à aller voir absolument toutes les infos, alors qu’elles sont souvent contradictoires. Mais ça finit par semer une impuissance, et c’est ce qui fait peur aux gens. Le fait de se dire « on ne peut rien faire ».

    Comment ne pas paniquer, sans sous-estimer cette maladie qui peut être grave ?
    Déjà, il y a le confinement (qu’il faut respecter). C’est contre-nature que de ne pas pouvoir échanger, toucher l’autre, c’est anti-humain. Ensuite, garder certains repères dans la vie. Tout le monde trouvait, au début, une super bonne raison à être confiné…
    Et plus maintenant ?
    C’est-à-dire que le confinement se prolonge. Et il devient, avec l’ennui, les incompréhensions face à la situation, qui empêchent de vivre selon la nature humaine, une agression sociale. Donc ça crée des conflits internes, et comme les gens sont confrontés à leur impuissance et à quelque chose qui les éloigne de leurs ressources, ils vont chercher à l’extérieur quelque chose qui pourrait leur prouver qu’ils n’ont pas le coronavirus. Mais se servir de ses ressources pour se prouver qu’on n’est pas atteint par quelque chose, c’est mettre son cerveau en échec.

    Quels conseils pratiques donneriez-vous au grand public pour éviter la psychose ?
    Déjà, continuer à faire comme avant. Parce que là, on va systématiquement chercher l’info partout, y compris sur les réseaux sociaux. C’est ce qui fait l’effet de panique, le cerveau est en alerte d’un danger inévitable, et il prend toutes les informations négatives pour augmenter l’insécurité.

    L’important, c’est de se sentir capable, de savoir qu’on a des ressources intérieures, qu’on peut aller les chercher. Il faut faire appel à son adaptabilité. Il y a des réponses à tout. Le but est de prendre du recul et rester détaché de la situation. Ce qui ne veut pas dire « je m’en fous », mais plutôt de ne pas s’impliquer personnellement dans le processus « je suis malade et je vais mourir ».

    Comment vos patients hypocondriaques vivent-ils cette période de crise ?
    C’est un peu paradoxal, parce que, d’un coup, on réinstalle leurs rituels. La personne hypocondriaque, ou atteinte de troubles, qui passait cinq heures par jour à se laver les mains, qui prenait quatre douches, voit ses pratiques légalisées. Alors, d’un côté, ils peuvent avoir ses pratiques sans culpabiliser derrière, mais quand le confinement va s’arrêter, le retour à la vie normale va être encore plus compliqué, parce qu’il va leur falloir réapprendre à vivre différemment.

    • C’est marrant, belle démonstration que les psys peuvent tout à fait servir de #gardes_chiourme du système dominant pour éviter que l’on se mette à creuser les raisons de cette pandémie, des fois qu’on y voit l’inaction criminelle des responsables politiques, et qu’on cherche des moyens de comprendre, par exemple pour commencer à penser et à mettre en place la révolte.
      Je ne dis pas qu’il ne faille pas gérer son angoisse en fonction de ses capacités, mais ce n’est certainement pas en coupant l’information vu qu’il y a toutes sortes de façon de réagir.