• La parole politique mise à mal dans la lutte contre le Covid-19
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    La défiance d’une partie de l’opinion et la prolifération d’infox mettent en difficulté le gouvernement dans sa gestion de la crise.

    Le phénomène n’est pas nouveau. Mais il s’amplifie avec l’épidémie du Covid-19. Alors que l’exécutif doit faire face à une crise sanitaire sans précédent, la défiance envers la parole officielle atteint des sommets. Selon un sondage Elabe publié le 1er avril, seulement 41 % des Français font confiance au pouvoir pour « lutter efficacement contre l’épidémie », soit 18 points de moins en deux semaines.

    Plus grave, près de deux Français sur trois pensent que le gouvernement leur ment sur la gestion de l’épidémie : 63 % estiment qu’on leur « cache des choses », selon un sondage OpinionWay, publié le 30 mars ; 70 % que l’Etat « ne dit pas la vérité aux Français », dans une étude Odoxa, publiée cinq jours plus tôt. « La confiance dans la parole politique était déjà basse au début du quinquennat. Elle a baissé au moment des “gilets jaunes”, et continue de s’effriter. Le discrédit est aujourd’hui majeur », se désole l’ex-député La République en marche (LRM), Matthieu Orphelin.

    Un souci de taille pour l’exécutif, au moment où il doit convaincre la population de respecter ses consignes de confinement sur le long terme. Sans se relâcher, alors que des dizaines de Français ont pris des libertés avec l’attestation de déplacement, ce week-end. « On constate un délitement de la parole politique, réduite au même niveau que le pékin moyen sur Facebook », regrette le délégué général adjoint de LRM, Pierre Person.

    Les critiques de l’opposition et des personnels soignants contre la pénurie de matériel ont contribué à nourrir la défiance actuelle. « Dans l’opinion, on constate une très forte grogne contre le manque de masques et des tests, avec l’idée que les premiers à en pâtir sont les salariés, qui continuent à travailler sur le terrain », observe Jérôme Fourquet, directeur du pôle opinion à l’IFOP. Avant de pointer le risque d’une recrudescence du clivage entre « les élites » et « le peuple » : « Cela réactive un ressentiment de la France d’en bas contre les technos, accusés de ne pas avoir suffisamment préparé le pays à affronter une telle crise. On retrouve un syndrome du mouvement des “gilets jaunes”, avec l’idée que la classe politique aurait collectivement failli. »

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