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    • Défunts déplacés au transpalette :Opacité et ratés : dans les coulisses de la morgue géante de Rungis, Mediapart, 25 avril 2020

      Immense plateforme logistique au sud de Paris, le hangar de Rungis a été réquisitionné le 3 avril par la préfecture du Val-de-Marne, c’est-à-dire l’État, pour faire face à la « saturation des capacités funéraires » en Île-de-France et accueillir des morts du Covid-19. D’après nos informations, cet ancien hangar voué à la destruction a déjà vu passer plus de 1 300 défunts, provenant des Ehpad pour la majorité, des hôpitaux, et pour 7 % environ des morts à domicile – un second site plus petit a depuis été ouvert à Wissous (Essonne).

      [...] Surveillé, interdit à la presse, l’accès est strictement restreint aux employés. « Pour préserver la solennité du lieu », justifie l’opérateur dans un communiqué. Solennité ou non, Rungis est devenue une boîte noire, illustration supplémentaire de la gestion opaque et précipitée de la crise pandémique, au point qu’une enquête de l’Inspection générale de l’administration (IGA, rattachée au ministère de l’intérieur) a été ouverte et qu’une série d’auditions a déjà eu lieu, d’après des informations obtenues par Mediapart.

      [...] La gestion de cette morgue a déjà suscité moult griefs depuis son ouverture : décorum inapproprié, tarifs indécents, etc. Les témoignages indignés de familles se multipliant, OGF a dû rapidement renoncer à l’application d’un forfait de prise en charge des défunts initialement facturé 159 € pour 6 jours, plus 35 € par jour au-delà. [...] [Par ailleurs] dans un courrier du 16 avril adressé aux opérateurs de pompes funèbres venant rechercher des cercueils à Rungis (que Mediapart a pu consulter), les services de la préfecture du Val-de- Marne ont procédé à un rappel à l’ordre, après avoir relevé que de « nombreux départs » de défunts avaient eu lieu « sans information préalable du gestionnaire [OGF] ».

      Des familles ont-elles raté le recueillement prévu à Rungis, le cercueil de leur proche ayant été emporté sans que l’opérateur chargé de la gestion du site n’en soit au courant ? OGF n’a pas souhaité communiquer à ce sujet. En interne, on tient à nous répondre, par contre, sur un autre sujet délicat, celui des conditions de manipulation des cercueils, placés à même le sol et surtout déplacés au transpalette. Si aucune image n’a fuité jusque-là, Mediapart a pu le vérifier. « C’est une image très violente, reconnaît-on chez OGF. Mais ça ne dure que 15 mètres, le temps de la première prise en charge et de la désinfection des cercueils. Vous imaginez la bombe sanitaire qu’on a créée à Rungis ?! »

      [...] « Ils auraient au moins pu acheter un chariot », s’agace un patron de pompes funèbres. « Nous, on l’a bien fait pour notre funérarium. C’est 700 euros par chariot, mais on le doit bien aux familles. » « Jamais je n’accepterais que ma mère soit déplacée au transpalette », s’émeut aussi un jeune chauffeur.

      #crise_sanitaire #morgue