• Coronavirus : le Conseil d’Etat devrait délimiter les pouvoirs des maires pendant le confinement
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/16/coronavirus-le-conseil-d-etat-devrait-delimiter-les-pouvoirs-des-maires-pend

    La décision attendue vendredi dépassera le cas de l’arrêté du maire de Sceaux, qui impose le port du masque, soumis mercredi 15 avril en référé devant la haute juridiction administrative.

    Il aura fallu une audience devant le juge des référés du Conseil d’Etat en plein confinement, mercredi 15 avril après-midi, pour voir côte à côte la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le ministère de l’intérieur réunis sur une question de police et de liberté individuelle.
    Patrice Spinosi, avocat de la première, et Pascale Léglise, adjointe au directeur des libertés publiques et des affaires juridiques de la Place Beauvau, se sont amusés au cours de l’audience de cette première historique, se faisant même des politesses sur leurs argumentations respectives.

    Face à cette coalition inédite, le maire de Sceaux, Philippe Laurent (Union des démocrates et indépendants, UDI), venait défendre son arrêté du 6 avril imposant aux personnes de plus de 10 ans le port d’un masque chirurgical ou FFP2 ou, à défaut, d’un « dispositif de protection buccal et nasal » pour tout déplacement dans l’espace publique de la commune des Hauts-de-Seine. Attaqué dans le cadre d’un référé liberté par la LDH qui y a vu une atteinte à la liberté d’aller et venir, cet arrêté a été suspendu le 9 avril par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

    Le juge administratif a considéré qu’« aucun risque propre à la commune de Sceaux » ne permettait de justifier d’ajouter « une condition supplémentaire aux restrictions déjà importantes à la liberté d’aller et venir » imposées par l’Etat dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il a jugé en conséquence que l’arrêté du maire de Sceaux « porte une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales ».

    Surenchère entre les communes
    La LDH et le ministère de l’intérieur ont souhaité que le débat devant la haute juridiction administrative dépasse largement le cas de la ville de Sceaux. Bertrand Dacosta, le conseiller d’Etat chargé de cette audience, ne s’y est pas trompé en isolant d’emblée la question la plus sensible à laquelle il devra répondre : Le maire conserve-t-il, pendant la période des pouvoirs de police exceptionnels octroyés au gouvernement et aux préfets dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le pouvoir d’édicter des mesures plus restrictives dans le cadre de son pouvoir de police générale ?

    Pour Me Spinosi, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, la loi du 23 mars sur l’état d’urgence sanitaire a « attribué exclusivement à l’Etat et à ses représentants un pouvoir de police dérogatoire au droit commun ». Selon lui, les pouvoirs de police générale attribués aux collectivités locales en temps […]

    argh ! #paywall

    • Et les préfectures ? Parce que la #diarrhée_législative concerne tous les niveaux, et avec grand succès ! La pref 02 qui interdit puis réautorise la vente d’alcool, la pref 77 qui monte une milice de chasseurs puis revient sur sa décision... beaucoup de décisions coups de poings, improvisées et mal pensées, qui prétendaient se substituer au droit général en faisant beaucoup mieux.

    • Coronavirus : le Conseil d’Etat devrait délimiter les pouvoirs des maires pendant le confinement
      Par Jean-Baptiste Jacquin

      Il aura fallu une audience devant le juge des référés du Conseil d’Etat en plein confinement, mercredi 15 avril après-midi, pour voir côte à côte la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le ministère de l’intérieur réunis sur une question de police et de liberté individuelle.

      Patrice Spinosi, avocat de la première, et Pascale Léglise, adjointe au directeur des libertés publiques et des affaires juridiques de la Place Beauvau, se sont amusés au cours de l’audience de cette première historique, se faisant même des politesses sur leurs argumentations respectives.

      Face à cette coalition inédite, le maire de Sceaux, Philippe Laurent (Union des démocrates et indépendants, UDI), venait défendre son arrêté du 6 avril imposant aux personnes de plus de 10 ans le port d’un masque chirurgical ou FFP2 ou, à défaut, d’un « dispositif de protection buccal et nasal » pour tout déplacement dans l’espace publique de la commune des Hauts-de-Seine. Attaqué dans le cadre d’un référé liberté par la LDH qui y a vu une atteinte à la liberté d’aller et venir, cet arrêté a été suspendu le 9 avril par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

      Le juge administratif a considéré qu’ « aucun risque propre à la commune de Sceaux » ne permettait de justifier d’ajouter « une condition supplémentaire aux restrictions déjà importantes à la liberté d’aller et venir » imposées par l’Etat dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il a jugé en conséquence que l’arrêté du maire de Sceaux « porte une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales ».

      Surenchère entre les communes

      La LDH et le ministère de l’intérieur ont souhaité que le débat devant la haute juridiction administrative dépasse largement le cas de la ville de Sceaux. Bertrand Dacosta, le conseiller d’Etat chargé de cette audience, ne s’y est pas trompé en isolant d’emblée la question la plus sensible à laquelle il devra répondre : Le maire conserve-t-il, pendant la période des pouvoirs de police exceptionnels octroyés au gouvernement et aux préfets dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le pouvoir d’édicter des mesures plus restrictives dans le cadre de son pouvoir de police générale ?

      Pour Me Spinosi, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat, la loi du 23 mars sur l’état d’urgence sanitaire a « attribué exclusivement à l’Etat et à ses représentants un pouvoir de police dérogatoire au droit commun » . Selon lui, les pouvoirs de police générale attribués aux collectivités locales en temps normal « ne permettent en aucune façon à l’autorité municipale de prendre des mesures plus restrictives que celles spécifiquement édictées dans le cadre de la police spéciale de l’état d’urgence » . Il a invoqué la jurisprudence du Conseil d’Etat sur les antennes de télécommunications selon laquelle le pouvoir spécifique reconnu au gouvernement dans cette matière technique empêche les maires d’y ajouter des contraintes réglementaires supplémentaires.

      L’avocat de la LDH s’inquiète qu’un tel pouvoir laissé aux maires dans cette période où des mesures déjà extrêmement attentatoires aux libertés sont imposées à chaque citoyen « amène dans le cadre du confinement actuel et surtout du déconfinement à venir une surenchère entre les communes incitées à prendre des arrêtés de plus en plus restrictifs des libertés individuelles qui correspondent aux attentes de leurs administrés. Le maire qui ne suivrait pas serait taxé de laxisme » .

      Des arrêtés municipaux fleurissent

      D’ores et déjà, a confirmé Mme Léglise, le ministère de l’intérieur « voit fleurir des arrêtés municipaux imposant ici un dépistage obligatoire, ou là une interdiction de circuler ». « La consigne que nous donnons aux préfets est de convaincre les maires de retirer ces arrêtés, ce que la plupart font », explique-t-elle. Quant aux arrêtés encore en vigueur, les préfets attendent justement que le Conseil d’Etat statue sur le précédent de Sceaux avant de les déférer devant les tribunaux administratifs. M. Dacosta a demandé au ministère de lui communiquer avant jeudi midi un « florilège » de ce type d’arrêté.

      Derrière ce débat juridique sur les pouvoirs des maires en cette période d’exception, le juge du Palais royal n’a pas souhaité éluder la question de fond, à savoir l’opportunité d’imposer le port du masque à Sceaux.

      « J’ai pris cette mesure pour protéger mes concitoyens, en particulier les plus fragiles, les personnes âgées, pas pour restreindre une liberté », a martelé M. Laurent. L’édile a expliqué que la principale rue commerçante de sa ville est étroite et à peine moins fréquentée que d’habitude alors que la proportion des plus 75 ans est supérieure à la moyenne du département. Bref, alors que les conditions matérielles pour respecter les gestes barrières ne sont pas réunies et qu’un nombre important de personnes se promène sur sa commune avec l’arrivée des beaux jours, il a « estimé de [sa] responsabilité politique et morale de prendre un tel arrêté » .

      « On est dans une période de confinement. Plutôt que d’imposer des masques, vous devriez revenir aux fondamentaux et faire respecter l’interdiction d’être sur la voix publique sans autorisation, on s’en portera beaucoup mieux. Dites aux gens de rester chez eux, y compris aux personnes âgées » , a rétorqué la représentante du ministère de l’intérieur.

      « Incitation au déconfinement »

      Pire, selon Mme l’Eglise, « cette politique en faveur du port du masque est une incitation au déconfinement. Ce n’est pas entendable et c’est contraire à la stratégie mise en place par le gouvernement » . Selon elle, la question du masque obligatoire pourra certes devenir une question à trancher, mais pour le déconfinement, après le 11 mai, quand il y aura plus de monde dans les rues.

      La dernière question à laquelle le Conseil d’Etat va devoir répondre porte sur la gravité de l’atteinte aux libertés que représenterait l’arrêté du maire de sceaux.

      « Imposer le port d’un masque n’est pas plus une atteinte à la liberté d’aller et venir que d’imposer le port de la ceinture de sécurité en voiture ou du casque sur un chantier » , a plaidé la défense de M. Laurent. « Une personne dépourvue de masque n’aurait plus le droit de sortir, c’est une atteinte évidente à la liberté d’aller et venir, en outre illégitime », a répondu Me Spinosi.

      Bertrand Dacosta devrait rendre sa décision dès vendredi. Lors de cette audience qui se tenait dans la grande salle du contentieux du Conseil d’Etat, personne ne portait de masque.