Déconfinement le 11 mai : Philippe mis devant le fait accompli par Macron
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Le Premier ministre, Edouard Philippe.
Crédits : Reuters
CHRONIQUE. L’intervention du chef de l’Etat lundi 13 avril a montré qu’il se déchargeait de la crise du coranavirus et de sa gestion cacophonique sur le Premier ministre. En se retrouvant en première ligne, Edouard Philippe sert désormais de fusible, dans la plus pure tradition de la Ve Répubique.
Dans la guerre contre l’épidémie du Covid-19, le commandant en chef a finalement décidé de faire mouvement : le « déconfinement » de la France est désormais programmé pour le 11 mai. Face aux Français, Emmanuel Macron ne s’est pourtant guère étendu sur la mise en musique d’une telle décision. Quid des masques, des tests, de la dette, des faillites d’entreprise ? Sur tous ces sujets, la balle est renvoyée au gouvernement, dans la plus pure tradition de la Ve République. Alors que la colère gronde contre les autorités, Edouard Philippe se retrouve donc en première ligne, tel un fusible idéal : « À la fin, qui paiera les pots cassés ? Ce sera bien sûr Philippe, car juridiquement, il sera responsable, ce qui n’est pas le cas de Macron. Son statut de président le protège en partie... », constate un observateur.
Relations particulièrement tendues
Depuis longtemps, les relations entre le président et son Premier ministre sont particulièrement tendues. Dès l’été 2018 - au moment de l’affaire Benalla -, la confiance avait été mise à rude épreuve entre les deux têtes de l’exécutif. Mais aux dires de nombreuses sources dans leur entourage respectif, les tensions se sont multipliées, et sont même montées de plusieurs crans au fur et à mesure de l’avancée du coronavirus : « Entre les deux hommes, les tensions sont désormais définitives », assure un proche d’Edouard Philippe. « Au point qu’un départ du Premier ministre dans les prochaines semaines n’est plus une simple hypothèse de travail ».
Depuis le 12 mars, la cacophonie de communication au sujet du Covid-19 entre l’Elysée et Matignon a frappé tous les commentateurs. Macron et Philippe ont multiplié les interventions télévisées et autres opérations de communication sans grande concertation. L’annonce par Edouard Philippe de la fermeture des lieux non essentiels à quelques heures de la tenue des élections municipales n’avait pas été particulièrement coordonnée avec l’Elysée. Tel un match retour, la décision d’annoncer un déconfinement pour le 11 mai a été prise par Emmanuel Macron lui-même, c’est-à-dire seul : « Edouard Philippe a été littéralement mis devant le fait accompli, ce qui explique aussi l’improvisation du gouvernement dans les heures qui ont suivi », nous décrypte un initié de Matignon.
« Lundi midi, le président a réuni le Premier ministre et plusieurs ministres. Après, il a décidé, et c’est normal. Il a posé l’objectif et le cadre, nous confirme un proche du chef de l’Etat. Il va envoyer vendredi ou samedi le Premier ministre pour refaire une conférence de presse d’explication. » Une mise au point, semble-t-il, nécessaire car, dès le lendemain de l’intervention présidentielle, le ministre de l’Interieur, Christophe Castaner, bredouillait que le président n’avait pas annoncé « le déconfinement le 11 mai », mais « le confinement jusqu’au 11 mai ». Ajoutant même que cette date « est un objectif, pas une certitude ». Concernant la reprise des cours à l’Éducation Nationale, le ministre Jean-Michel Blanquer a également eu le plus grand mal à expliciter sa mise en oeuvre. Bref, par ses décisions, le président a mis sous pression l’ensemble du gouvernement.