• Pussy Riot et Amnesty International : Le déclin de la protestation politique (Counterpunch) par Diana JOHNSTONE

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    31 août 2012

    Pussy Riot et Amnesty International : Le déclin de la protestation politique (Counterpunch)

    Il était une fois une organisation appelée Amnesty International qui se consacrait à la défense des prisonniers de conscience partout dans le monde. Son action était guidée par deux principes qui ont contribué à son succès : la neutralité et la discrétion. Dans le contexte de la Guerre Froide, Amnesty International à ses débuts prenait soin d’équilibrer ses campagnes en faveur des prisonniers entre les trois régions idéologiques : l’Occident capitaliste, l’Est communiste et les pays en voie de développement du Sud. Les campagnes étaient discrètes, évitant les polémiques idéologiques et se concentrant sur les conditions physiques et juridiques des prisonniers. Leur objectif n’était pas de se servir des prisonniers comme d’une excuse pour s’épancher contre un gouvernement « ennemi », mais de convaincre les gouvernements de cesser toute persécution contre des dissidents non-violents. L’organisation réussit à exercer une influence civilisatrice universelle.

    Depuis la fin de la Guerre Froide, le travail d’Amnesty International est devenue plus compliquée et plus difficile. A ses débuts, la plupart des « prisonniers de conscience » étaient détenus dans le bloc soviétique ou les dictatures satellites des Etats-Unis en Amérique latine, ce qui facilitait la symétrie sans contrarier indûment la superpuissance US. Mais particulièrement depuis la réaction de l’administration Bush aux attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis sont de plus en plus devenus le principal geôlier du monde. Ce qui a eu pour effet de soumettre l’organisation, d’essence anglo-américaine, à des pressions contradictoires. Tout en protestant contre des violations flagrantes telles que Guantanamo et la détention abusive de Bradley Manning, elle semble être sous la pression de devoir « équilibrer » ces critiques ponctuelles par une avalanche de critiques envers des gouvernements destinés à subir un changement de régime par les Etats-Unis. Dans le cas de « révolutions colorées » appuyées par les Etats-Unis, des organisations de droits de l’homme telles que Amnesty International et Human Rights Watch sont enrôlées non pas pour défendre des prisonniers politiques précis mais plutôt pour dénoncer les violations en général qui seront plus ou moins bien fondées. Les Etats-Unis ont réussi de prendre de plus en plus le contrôle d’Amnesty International pour servir leurs propres campagnes de politique internationale.

    Une étape important de cette prise de contrôle s’est produite en janvier dernier, lorsque la fonctionnaire talentueuse du Département d’Etat Suzanne Nossel fut nommée directrice exécutive d’Amnesty International USA. Comme ancienne Assistante Adjointe au Secrétaire d’Etat pour les Organisations Internationales, Mme Nossel a participé à la rédaction de la résolution du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU sur la Libye. Cette résolution, basée sur des rapports exagérément alarmistes, avait servi de justification à la résolution de l’ONU menant à la une campagne de bombardements de l’OTAN qui renversa le régime de Khadafi. Créditée d’avoir inventée l’expression « pouvoir intelligent » (smart power(*)), reprise par Hillary Clinton comme devise de sa politique, Mme Nelson s’est acquise une notoriété internationale dans la défense des droits des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transsexuels, positionnant ainsi les Etats-Unis comme avant-garde des droits humains contre les nombreuses sociétés traditionnelles dans le monde, particulièrement celles dotées d’un régime que le « pouvoir intelligent » des Etats-Unis cherche à gêner, isoler ou même renverser.

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