• Claude Piron, lettres ouvertes : Combien de mots en espéranto ?
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    Combien de mots en espéranto ?

    Oh ! Un bel écrit de Claude Piron, encore sur l’#esperanto. Il y exprime le fait qu’on ne peut compter l’étendu du vocabulaire de cette langue au simple fait du nombre de mots présents dans un dictionnaire, puisque c’est une langue qui accepte, pour un radical donné, d’en faire ce qu’on veut (nom, verbe, adjectif, adverbe) et qui est agglutinante autant qu’on le souhaite. Et il donne de nombreux exemples de mots intraduisibles directement en français tel que celui-là :

    Le français a « musique » et « musical », mais pas de verbe pour ce concept ; par contre, s’il a un verbe - « chanter » - pour la notion de « chant », ici c’est l’adjectif qui manque. L’espéranto ignore par définition ce genre de lacune. Il a muziko « musique », muzika « musical », muzike « musicalement », muziki « jouer de la musique », « faire de la musique » ; kanto « chant », kanti « chanter », kante « de façon chantante », « avec des sonorités de chant », kanta « qui évoque le chant », « qui est de l’ordre du chant », « qui a la qualité du chant » (équivalent, par rapport au chant, de ce que « musical » est par rapport à la musique). Dans une chanson qui a eu son moment de popularité dans le monde de l’espéranto on trouve la phrase : Dum la du violonistoj violone violonis... « tandis que les deux violonistes violonaient violoniquement... ». Elle est intraduisible en français correct.

    Un exemple qui m’a marqué l’autre jour en lisant, que j’ai tout de suite compris : « ili jesas ». Sachant que « ili » veut dire « ils » (masculin ou indéfini, comme en français), « jes » (prononcer ’yes’ comme en anglais) veut dire « oui », et la terminaison « -as » est la marque du présent, on comprend aussitôt que ça veut dire « ils ouisent », soit en fait, « ils acquiescent ». Et effectivement le dictionnaire dit que le verbe « jesi » signifie acquiescer, mais en fait, on l’avait déjà compris.

    De la même manière le suffixe « -ebl » signifie « peut-être ». « manĝi » est le verbe « manger ». Et « manĝebla » ? « a » signifie que c’est un adjectif. Ça donne « que l’on peut manger », soit « mangeable » ou « comestible ». Mais « -ebl » comme la plupart des affixes en espéranto peut s’employer seul :
    – « eblo » : « o » est la marque d’un nom. Là ça veut dire : possibilité
    – « ebla » : éventuel, possible (adjectif)
    – « ebli » : que l’on n’a pas en français. Le verbe « être possible ». « ŝi eblas malfrue » signifie « elle est peut être en retard ».