Patience par Frédéric Lordon
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Bien sûr il y a d’abord la souffrance physique (de ceux qui sont malades), la souffrance morale (des proches, des soignants), la souffrance psychique (du salariat chair à canon). Mais il y a aussi, pour bon nombre d’autres, la souffrance politique : assister à ce délire, et n’y rien pouvoir. À un moment, on en revient toujours à l’os : la politique, c’est la co-présence des corps parlants — et agissants. L’épidémie met en panne la politique. Elle ne laisse debout que le gouvernement — qui, précisément, prospère en étant séparé. Et n’aime rien tant que les sujets à l’isolement.
Mais c’est vrai qu’il y a de quoi souffrir au spectacle passif d’un gouvernement emporté dans le chaos psychique de son chef. Même la presse la mieux disposée — Le Point, Le Figaro, L’Obs — sort passablement ébranlée du compte-rendu que Macron donne de sa propre action. Qui « assume totalement » le premier tour des municipales. On peut lire le même jour un article du site subversif France Inter, intitulé « Comment le Covid-19 a décimé les conseils municipaux », qui donne une idée assez juste de l’estomac requis pour « assumer » aussi facilement — mais nous savons que « j’assume », dans la bouche d’un homme de pouvoir, est par excellence l’indice du sociopathe.