• Allô Pénicaud ? Des travailleur·euses meurent du Covid-19, entretien avec Matthieu Lépine, recenseur des accidents du travail, par Mickaël Correia | jef klak
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    Depuis janvier 2019, le compte Twitter « Accident du travail : silence des ouvriers meurent » recense quotidiennement les accidents graves ou mortels du travail. Derrière cette tâche de longue haleine se cache Matthieu Lépine, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Montreuil (93). Depuis le début du confinement, il répertorie et cartographie les salarié·es qui meurent du coronavirus après l’avoir contracté assurément ou très probablement au travail. L’objectif ? Mettre en lumière les victimes derrière l’anonymat de ces chiffres et dénoncer l’impact des politiques gouvernementales sur les travailleur·euses les plus précaires. Entretien.

    Qu’est-ce qui t’a amené à te pencher sur les accidents mortels au travail ?

    Au départ, je n’ai pas de connaissances spécifiques en termes d’accidents du travail. Mais tout a basculé en janvier 2016, lorsque Emmanuel Macron, alors ministre en charge de l’économie, a affirmé qu’un entrepreneur « prend des risques », que « la vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. », et qu’« il peut tout perdre, lui ». Ce petit « lui » m’a vraiment interpellé, comme si un·e salarié·e ne prenait aucun risque et qu’iel ne pouvait pas tout perdre, notamment sa vie.

    J’ai commencé dès lors à recenser plus ou moins régulièrement sur mon blog les différents accidents du travail. Une tâche fastidieuse qui m’a permis de découvrir l’ampleur du phénomène. En janvier 2019, j’ai décidé d’ouvrir un compte Twitter, « Accident du travail : silence des ouvriers meurent », pour effectuer un recensement quotidien des accidents en France. Je venais d’être profondément marqué, à quelques jours d’intervalle, par l’histoire de deux victimes.

    Le 3 janvier, Michel Brahim, un ouvrier de 68 ans, est mort en tombant du toit de la préfecture de Versailles. Deux semaines plus tard, Franck Page, un livreur à vélo d’Uber Eats, décédait après avoir été percuté par un camion à Pessac. C’était un étudiant d’à peine 18 ans… Il y avait là deux cas extrêmes : un jeune et une personne âgée qui étaient obligés de travailler car l’un avait une bourse d’études insuffisante et l’autre une trop petite retraite. Qui plus est, tous deux étaient auto-entrepreneurs : les personnes qui les ont fait travailler ont donc pu être dédouanées de toute responsabilité.

    Nous étions alors en plein mouvement des gilets jaunes, et le journaliste David Dufresne recensait les violences policières avec son fameux « Allô place Beauvau ». J’ai décidé de faire le même type de signalement en interpellant directement la ministre du Travail : « Allô Muriel Pénicaud ? ».

    Le compte Twitter est vite monté en audience et dénombre aujourd’hui plus de 22 000 abonné·es. En janvier dernier, après un an de recensement, j’ai comptabilisé au total 412 mort·es au travail, 644 blessé·es graves et effectué 861 signalements à Muriel Pénicaud.

    Le compte
    https://twitter.com/DuAccident

    #travail #accidents_du_travail et aussi #crise_sanitaire