• Aide alimentaire : le gouvernement annonce une enveloppe de 39 millions d’euros
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    Distribution de nourriture à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 15 avril. GUILLAUME HERBAUT POUR LE MONDE

    Alors que le nombre de personnes en demande d’aide alimentaire augmente chaque jour, les associations se félicitent d’une « respiration notable et bienvenue » pour faire face à la crise liée au coronavirus, mais s’inquiètent pour la situation à long terme.

    Les semaines passent et les files d’attente ne cessent de s’allonger. Avec la crise sanitaire liée au Covid-19, le nombre de personnes en demande d’aide alimentaire augmente chaque jour. Pour faire face à cette croissance, le gouvernement a annoncé, jeudi 23 avril, une enveloppe de 39 millions d’euros à destination des associations – à hauteur de 25 millions d’euros – et des territoires – 14 millions.
    Afin de permettre aux « familles les plus modestes » de « vivre en toute dignité » , selon les mots du ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, il faut « adapter notre modèle social », a enchaîné la secrétaire d’Etat auprès du ministre des solidarités et de la santé, Christelle Dubos, lors d’une conférence de presse.

    Aux 5,5 millions de personnes qui reçoivent ponctuellement ou régulièrement une aide alimentaire en France, viennent désormais s’ajouter les travailleurs précaires, saisonniers et non déclarés privés d’emploi pendant le confinement, les parents dont le budget nourriture explose avec la suspension des cantines scolaires, les salariés au chômage partiel, les travailleurs indépendants au chômage technique, les étudiants… « Ce qui nous saute à la figure, c’est la rapidité avec laquelle les ménages précaires basculent dans la pauvreté » , souligne Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
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    Distributions multipliées par trois

    Patrice Blanc, le président des Restos du cœur, salue « une respiration notable et bienvenue » qui « répond à nos multiples alertes » . Depuis trois semaines, l’association fondée par Coluche a multiplié par trois les distributions de rue dans certaines villes. A Paris, place de la République, 600 personnes viennent désormais chaque soir chercher un panier-repas, contre 200 en moyenne auparavant.
    Certains montants du plan d’urgence de soutien à l’aide alimentaire du gouvernement sont déjà fléchés en direction de territoires particulièrement « en souffrance ». Ainsi, 2,6 millions d’euros vont être alloués à 25 000 foyers en Seine-Saint-Denis et 4 millions d’euros pour les outre-mer – Mayotte, la Guyane et Saint-Martin.

    Ces aides prendront notamment la forme de chèques d’urgence alimentaire dont la gestion sera confiée aux préfectures, avant d’être distribuées par les centres communaux d’action sociale (CCAS). « De l’art de créer des usines à gaz, les préfectures ne sont pas des bureaux d’aide sociale », tique Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire, qui se félicite malgré tout que « l’Etat réagisse à l’urgence ».

    Si les 25 millions permettront aux associations d’acheter directement des produits alimentaires, ils financeront également « des achats de denrées centralisés par l’Etat et pour le compte des associations » . « Alors ça, non merci ! réagit Mme Steinberg. Il faudrait qu’on interroge nos 1 300 structures locales – dont la fréquentation a augmenté de 25 % à 30 % ces dernières semaines – pour qu’elles listent leurs besoins, que ça nous remonte et qu’on fasse ensuite remonter à l’Etat, qui ensuite va acheter pour nous et redistribuer localement, c’est absurde. »

    Entre le manque de bénévoles et l’augmentation rapide de la demande, les associations « tirent » sur tout, décrit le président de la Fédération française des banques alimentaires, Jacques Bailet, « et beaucoup sur les stocks de denrées, principalement les produits secs » , précise-t-il. L’antenne située à Nantes, par exemple, a l’habitude de distribuer 6 tonnes de nourriture par semaine. Désormais, c’est 11 tonnes. Dans le même temps, les collectes et les « ramasses » (dons) diminuent, confinement oblige, tandis que les industriels, bénéficiant d’une forte demande marchande, « donnent moins », constate M. Bailet.

    « La crise va durer »

    Cette enveloppe de 39 millions vient compléter une première série de mesures : versement automatique des minimas sociaux, ouverture de 10 000 places d’hébergement, émission de chèques-services à destination de 90 000 personnes (dont la moitié en Ile-de-France) et versement le 15 mai d’une aide exceptionnelle de solidarité pour « les familles modestes afin de leur permettre de faire face à leurs besoins essentiels », soit 4,1 millions de foyers, pour un coût de 1 milliard d’euros. Chaque famille bénéficiaire du RSA ou de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) recevra 150 euros, plus 100 euros par enfant, et les familles touchant des aides au logement percevront également 100 euros par enfant à charge.

    « Ces aides ponctuelles, c’est important, mais ce qui nous préoccupe, c’est le long terme » , alerte Patrice Blanc, des Restos du cœur, qui demande un premier moratoire d’un an sur la suspension de la trêve hivernale et un second sur la mise en application de la réforme de l’assurance-chômage.

    « Il faut par ailleurs relancer d’urgence le dispositif des emplois aidés , plaide Jacques Bailet, des Banques alimentaires. Cela va être le seul moyen pour nous de faire face à la pénurie de bénévoles. » « La crise va durer, il va falloir élargir le périmètre de l’aide exceptionnelle et anticiper sa reconduite dans le temps » , abonde Christophe Robert, de la Fondation Abbé Pierre, qui milite pour la création d’un fonds exceptionnel d’aide au paiement des loyers et des charges.
    Il s’inquiète également de l’absence de mesures destinées aux étudiants et jeunes précaires. « Les travaux pour finaliser cette aide sont en cours » , a déclaré M. Denormandie. Jeudi, à Marseille, le Stade-Vélodrome a ouvert ses portes à la distribution alimentaire pour trois jours : à la mi-journée, 500 étudiants s’étaient déjà inscrits, souligne M. Blanc, des Restos du cœur, organisateurs de cette opération en partenariat avec l’OM Fondation.

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