• Coronavirus : avec les équipes mobiles chargées de casser les chaînes de contagion jusqu’au sein des familles
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/23/coronavirus-avec-les-equipes-mobiles-chargees-de-casser-les-chaines-de-conta


    RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »

    REPORTAGE « Le Monde » a suivi une équipe de la Pitié-Salpêtriêre qui intervient au domicile de personnes potentiellement contaminantes pour les tester et leur proposer des solutions d’isolement.

    Lorsque Mme L. a vu débarquer dans son salon Hélène, Camille et Jean-François dans leurs « pyjamas bleus » d’hôpital, surblouses, gants et masques sur le visage, elle ne s’est pas vraiment détendue. Hors de question que sa petite famille (quatre enfants) se fasse tester au Covid-19. Et surtout pas elle.

    « Je déteste l’hôpital, les prises de sang… Alors qu’on me fasse un prélèvement dans la narine, ce qu’il y a de plus délicat, quelle angoisse ! » Déjà, elle n’avait « pas dormi de la nuit » après avoir appris de son mari qu’il avait vu récemment son oncle et sa tante, et que tous les deux étaient contaminés. « Notre fils aîné s’est mis à pleurer et a crié : “Papa, si tu as ramené ça à la maison... !” » Pour en avoir le cœur net, le père a appelé le centre « Covisan » de la Pitié-Salpêtrière, dans le 13e arrondissement à Paris.

    Covisan, c’est le dispositif qu’expérimente l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à partir de quatre sites pilotes. Lancé mercredi 15 avril à la Pitié-Salpêtrière, il est désormais également testé à Bichat (18e) et Louis-Mourier à Colombes (Hauts-de-Seine), et depuis le 22 avril à Avicenne à Bobigny. Robert-Debré (19e) et l’Hôtel-Dieu (4e) doivent le rejoindre en fin de semaine.

    Si les résultats sont jugés probants, il sera étendu à l’ensemble de l’Ile-de-France et a vocation à essaimer partout dans le pays. Il préfigure une nouvelle stratégie face à la pandémie. Les mesures de distanciation sociale et de confinement ont atteint leur limite pour endiguer la progression de l’épidémie. Il s’agit désormais de casser les chaînes de transmission en identifiant et en isolant les personnes potentiellement contaminantes – et dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation – jusqu’au sein des familles. Une façon de préparer le déconfinement du 11 mai en évitant une deuxième flambée.

    Hélène, Camille et Jean-François ont « mis la musique des Experts » les premiers jours où ils ont pris la Zoé électrique pour partir en mission. Ils forment le rouage essentiel du dispositif : les équipes mobiles qui interviennent à domicile.

    Résultats communiqués en vingt-quatre heures

    A la Pitié-Salpêtrière, trois équipes constituées de trios enchaînent les visites de 10 heures à 20 heures. Tous sont bénévoles. Camille, cadre dans l’industrie pharmaceutique, s’est inscrite à la réserve sanitaire. Jean-François, « en télétravail très amenuisé dans l’informatique » , a fait ses classes de secouriste à la Croix-Rouge. Hélène est interne en gynécologie. Elle a reçu une formation express pour pratiquer le dépistage du Covid-19 avec un écouvillon. Le lendemain, c’était son baptême du feu chez Mme L. « Finalement, ça s’est très bien passé, on a pu prélever toute la famille. J’ai juste eu du mal à aller jusqu’au fond des fosses nasales de l’un des plus jeunes car elles n’étaient pas encore complètement formées. » Les résultats seront communiqués dans vingt-quatre heures.

    « Surtout, vous n’oublierez pas de m’appeler, ça me déstressera ! » , lance la mère de famille. Après trois quarts d’heure de discussion, elle a retrouvé le sourire et même donné son feu vert pour se faire dépister. « Ce n’était pas si terrible » , concède-t-elle.

    Mme L. a également accepté de porter un masque désormais ( « Ça m’oppresse, mais s’il faut le faire, je le ferai » ) pour aller faire les courses. Après chaque visite, l’équipe laisse deux « kits » par foyer comprenant gel hydroalcoolique et quatorze masques chirurgicaux. De quoi « tenir » théoriquement pendant une semaine. « Doit-on rester en quarantaine en attendant les résultats ? » , s’inquiète cette assistante d’éducation au chômage partiel. « Non, il vous suffit de limiter les sorties et de respecter les gestes barrières », rassure Jean-François.

    Le trio a pris le temps de bien montrer comment se laver les mains, porter un masque, désinfecter les poignées de portes et les interrupteurs, insister sur l’importance d’aérer l’appartement ou de laver le linge à 60 °C, et tant pis pour les économies d’énergie. A la fin de l’entretien, le fils aîné glisse tout de même qu’il tousse un peu le soir, dans son lit, depuis quelques jours. Rien d’inquiétant pour l’équipe. Aucun autre symptôme n’a été associé. « A priori, il n’y a pas de personne à risque qui nécessite un isolement » , juge Camille, qui, le dimanche précédent, était intervenue chez l’oncle et la tante malades.

    « Cinq personnes dans un studio sans fenêtre »

    Par précaution, et sans présumer des résultats des tests, l’équipe explique les possibilités qui s’offrent à la famille : s’isoler à domicile (ce que permet dans leur cas le nombre suffisant de pièces) ou à l’hôtel. Le groupe Accor a mis à disposition trois établissements aux portes de Paris et se dit prêt à en ouvrir 300 dans toute la France. « Si par malheur mon mari est positif, je préfère qu’il aille à l’hôtel car le petit dernier est toujours collé à son père et ce sera la crise de nerfs si on doit l’empêcher d’aller le voir dans sa chambre » , prévient Mme L.

    Depuis le début de l’expérimentation, très peu de personnes ont fait le choix de l’hôtel. Un ressortissant cambodgien vivant avec ses parents de 73 ans a accepté d’être exfiltré. « Il se plaignait de courbatures et était inquiet pour ses parents qui ne respectaient pas les gestes barrières » , explique Lila, une autre bénévole. Selon le protocole retenu, il devra rester sept jours dans sa chambre, dont deux sans présenter de symptômes, avant de pouvoir retourner chez lui. Au gré de leurs visites, les équipes découvrent des situations qui nécessiteraient un isolement en dehors du domicile familial mais ils se heurtent aux réalités sociales.

    « On a eu le cas d’une famille de cinq personnes vivant dans un studio sans fenêtre , raconte Carole qui fait équipe avec Lila. Un des membres a été hospitalisé et tout le monde se repasse le virus. On a proposé d’isoler la maman mais on nous a opposé un grand “non : qui va faire à manger ?” ! On ne peut pas les forcer, c’est du volontariat. »

    L’équipe doit adapter sa stratégie. Elle considère que le foyer est « condamné » et essaie désormais de « protéger l’extérieur » . Un des fils a été testé positif mais continue à travailler « plus ou moins légalement » . Le médecin traitant de la famille a été contacté pour qu’il tente de le convaincre de cesser.

    « Un problème de transmission hallucinant »

    La médecine de ville est un maillon essentiel à la réussite et à la généralisation de l’expérience. Les généralistes seront précieux pour assurer le suivi des malades après le passage des équipes mobiles. Pour l’heure, certains commencent à adresser leurs patients au centre Covisan. D’autres arrivent par les urgences ou après avoir appelé le SAMU.

    Aurore Sousa, elle, a été identifiée à partir d’un patient passé par la Pitié-Salpêtrière. Elle est venue en voisine. Elle est gardienne d’un immeuble dans le 13e arrondissement. « J’ai reçu un appel hier me demandant de me présenter car j’aurais travaillé avec quelqu’un qui a le coronavirus » , dit Mme Sousa, 53 ans, « pas inquiète » et « en forme » . L’équipe qui n’est pas en visite l’installe dans la « salle d’entretien ».

    « De la toux ? Non.

    – De la fièvre ? Non.

    – Pas de diarrhées ? Non.

    – Pas de perte d’odorat ? Je n’en ai jamais trop eu. Mais si quelqu’un sent mauvais ça me dérange. »

    Mme Sousa est ce que les professionnels du Covid-19 appellent une personne « contact ». Elle a été en relation avec un propriétaire malade. La gardienne lui monte le courrier et les courses mais reste toujours sur le palier, assure-t-elle. Elle est arrivée avec un masque, qu’elle porte à l’envers et qui ne lui protège pas le nez. On lui montre comment l’ajuster correctement avant de lui suggérer un dépistage, qu’elle accepte ( « Ça me rassurera même si je pense que je n’ai rien » ). Pas la peine, en revanche, de lui proposer un hôtel pour un éventuel isolement, Mme Sousa habite avec son mari un pavillon en banlieue de 230 m2 qu’elle désinfecte « à fond à la Javel » . Elle repartira quand même avec son kit de gel hydroalcoolique.

    Parfois, les équipes Covisan sont aussi confrontées à des problématiques qui les dépassent. Ils ont identifié deux clusters dans des foyers sociaux ou de travailleurs. « Il y a un problème de transmission hallucinant avec des cas positifs qui cohabitent dans une chambre avec des migrants. On n’a pas la force d’intervention » , expliquent les bénévoles. Le relais a été passé à l’Agence régionale de santé et aux organisations humanitaires.

    « On a trois mois de retard »

    « Idéalement, il faudrait avoir 500 équipes déployées juste sur Paris pour parvenir à casser la chaîne des transmissions et étouffer le virus » , estime Jean-Sébastien Molitor. Veste kaki, jean et barbe de baroudeur, il détonne dans le centre Covisan, installé à l’entrée de la Salpêtrière. Avec l’ONG Solidarités international, M. Molitor est intervenu en Afrique sur le front Ebola et en Haïti contre le choléra. Il met aujourd’hui son expérience au service de Covisan.

    Depuis le début de l’expérimentation, une centaine de personnes sont suivies sur l’ensemble des sites pilotes dont une très grande majorité par les équipes de la Salpêtrière.

    « On a trois mois de retard , déplorent Hélène et Camille. Si on avait déployé cette stratégie dès le début de l’épidémie, comme l’ont fait certains pays, on aurait payé un tribut beaucoup moins lourd. Mais on manquait de masques, de gels et de tests. Et aujourd’hui, encore, on ne peut laisser que deux kits par foyer. »

    #Covisan #dépistage #medecine_de_ville #hôpital_hors_les_murs #isolement

    • La réponse ne doit pas être centrée sur l’hôpital : Coronavirus : « Pour déconfiner sans provoquer une deuxième vague, une approche centrée sur le patient » , Renaud Piarroux, Bruno Riou, Profs de médecine
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/27/coronavirus-pour-deconfiner-sans-provoquer-une-deuxieme-vague-une-approche-c

      Les professeurs Renaud Piarroux et Bruno Riou décrivent, dans une tribune au « Monde », la stratégie qu’ils prônent pour une sortie maîtrisée du confinement : détection, analyse, et proposition de solutions individuelles, sans contraindre les patients.

      Tribune. Le confinement a permis de ralentir la propagation du virus et ainsi d’éviter que les services de réanimation ne se trouvent débordés. Pour permettre d’aborder la période du déconfinement sans courir le risque d’une deuxième vague de l’épidémie, nous proposons une approche centrée sur le patient pour enrayer la propagation du virus dans son entourage. Cette approche, dont la mise en œuvre a débuté, implique des médecins généralistes, des services d’urgence, mais aussi des équipes mobiles, des pharmaciens, des services d’aide à la personne, des travailleurs sociaux, des collectivités locales, des volontaires d’ONG et de la Croix-Rouge et des structures hôtelières pour isoler les patients.

      La stratégie que nous proposons ne s’oppose pas aux mesures générales déjà prises (mesures barrières, distanciation sociale, confinement généralisé), mais elle les potentialise, permettant à terme de lever progressivement le confinement tout en limitant la propagation du virus. Elle est basée sur trois piliers essentiels : détecter, analyser, répondre.

      Il s’agit d’abord de détecter les patients, mais aussi les porteurs sains, puisqu’ils contribuent à la propagation du virus. La généralisation des tests diagnostiques au niveau de l’ensemble de la population n’est pas réaliste : même si tous les Français pouvaient être dépistés, cela prendrait trop de temps et ne nous donnerait qu’une image transitoire de la situation, une personne négative un jour pouvant être positive le lendemain. En revanche, la trajectoire de soins des patients peut guider cette stratégie de dépistage : il y a de fortes chances que le sujet symptomatique interagisse avec le système de soins, appelant le 15, se rendant à une pharmacie, à un cabinet médical ou dans un service d’urgence.

      Cartographier la transmission

      Une fois le diagnostic effectué, il est possible d’aborder avec le patient les mesures à prendre pour protéger son entourage. Les acteurs du système de soins deviennent alors des sentinelles, permettant d’accéder à un premier maillon des chaînes de transmission. L’important est ensuite d’emporter l’adhésion du patient et d’enclencher avec lui l’intervention d’équipes d’investigation et de réponse, permettant la recherche active de cas. Les sujets contacts des patients positifs, y compris ceux qui sont asymptomatiques, sont avertis de la possibilité d’être porteurs et diffuseurs de virus ou de le devenir rapidement. Ils doivent être testés. Avec eux, on peut envisager les mesures pour éviter toute propagation.

      Des équipes travaillent à des applications informatiques qui, grâce aux données de géo-localisation des téléphones, pourraient faciliter la recherche des sujets contacts lors d’une consultation médicale. Cela constituerait une sorte de complément à un interrogatoire médical classique. Un autre type d’application pourrait servir à prévenir un utilisateur lorsqu’il a été mis en présence d’une personne infectée. L’alerte donnée par l’application aurait alors pour but d’inciter les personnes à se faire détecter. Les limites de cette approche ne doivent pas être ignorées : l’utilisation de l’application étant basée sur le volontariat, si une personne omet de se déclarer positive, il ne sera pas possible de l’identifier, sans parler de tous ceux qui ne possèdent pas de téléphone portable. Comme cette application d’alerte est prévue pour être utilisée de manière anonyme et en l’absence de géolocalisation, elle ne sera pas utilisable à des fins de surveillance épidémiologique.

      Les éléments de la trajectoire de soins des patients pourraient être mis à profit pour cartographier dans le détail l’intensité de la transmission sur notre territoire. Identifier un quartier, une rue, un immeuble, où le nombre de cas est anormalement élevé (« hotspots ») permettrait de lancer une investigation ciblée et de déterminer les mesures appropriées. Les adresses et la connaissance des déplacements des personnes sont à la base de l’épidémiologie. Aucune intervention ciblée ne peut être envisagée en leur absence.

      Prise en compte du contexte

      L’interrogatoire des patients, le traçage de leurs contacts, l’établissement de cartes précises et quotidiennes de la détection des cas, l’identification des lieux fréquentés et les investigations de terrain sont autant d’outils qui peuvent permettre d’identifier les zones où l’épidémie persiste et de suivre les chaînes de transmission. Ces analyses doivent se faire au niveau local et général, car les solutions sont parfois locales, parfois plus générales. Elles nécessitent de l’expérience et des échanges entre les différents niveaux, des bases de données et des scripts informatiques pour en tirer les informations essentielles, modéliser l’évolution épidémique, anticiper les résultats attendus des interventions.

      Là encore, des solutions informatiques plus complexes, avec ou sans intelligence artificielle, ont été proposées. Il ne faut pas les écarter si elles rendent des services mais les outils informatiques ne peuvent remplacer le travail d’épidémiologistes qui engrangent les données, échangent avec le terrain, et s’y rendent lorsque c’est nécessaire.

      La surveillance épidémiologique n’a de sens que si elle est suivie d’actions. Il y a autant de modalités de réponse que de situations : on n’intervient pas de la même manière dans un hôpital, un établissement pour personnes âgées, un foyer d’immigrés, sur un bateau ou au domicile d’un patient. Même dans ce dernier cas, la réponse doit être adaptée au contexte. Selon le quartier, la composante sociale sera particulièrement importante, nécessitant l’intervention de travailleurs sociaux, de l’hospitalisation à domicile, d’associations de quartier, d’acteurs humanitaires, de services municipaux, de leaders communautaires. Dans d’autres cas, il s’agira surtout d’aider la famille à organiser son confinement, et un relogement dans un hôtel doit pouvoir être proposé. Il s’agit de proposer et en aucun cas de contraindre, d’emporter l’adhésion du patient et de sa famille autour d’un objectif simple : les protéger et leur éviter de tomber malades, d’être hospitalisés.

      Des équipes multidisciplinaires et mobiles

      Les équipes mobiles que nous mettons en place à l’AP-HP s’inscrivent dans cette stratégie. Elles sont là pour établir un plan de confinement avec les familles qui le souhaitent, effectuer des prélèvements pour détecter la présence de cas secondaires au sein du foyer. Elles sont composées au minimum d’un binôme associant une personne possédant une compétence dans le domaine social et une autre dans celui des soins (infirmier, médecin, pharmacien biologiste, interne, externe). Il ne s’agit pas de la seule modalité de réponse, des visites pouvant aussi être organisées par des travailleurs sociaux, des organisations humanitaires. L’activation de la réponse ne doit pas être centrée sur l’hôpital. Les médecins de ville, le SAMU, les services des mairies, des départements, des régions et de l’Etat, la Croix-Rouge sont partie prenante, enclenchant une réponse, l’accompagnant ou assurant des services supports pour la rendre effective (aide pour faire les courses, solutions d’hébergement).

      Ces équipes mobiles font le lien entre le système de soins et le cadre de vie du patient et s’inscrivent dans la relation thérapeutique. Elles sont une source inestimable de renseignements sur le contexte de la transmission du virus. Il s’agit d’aider le patient à protéger ses proches, un objectif qu’il peut volontiers comprendre. Cette relation de confiance doit pouvoir s’opérer, y compris pour des patients en situation irrégulière, ou pour d’autres, amenés, par nécessité, à enfreindre les règles du confinement. Il s’agit d’expliquer, de faciliter, d’aider, de convaincre, jamais de contraindre. Sinon, bon nombre de patients nous échapperont.

      Lutter contre la transmission du Covid-19 est un sujet complexe qui implique la mise en œuvre d’approches multiples et complémentaires. Il est important que tous les acteurs impliqués puissent se retrouver autour d’une table – ou, confinement oblige, autour d’une conférence téléphonique – afin d’échanger sur leurs pratiques, de partager des informations, de se répartir le travail, bref, de se coordonner. Une stratégie commune, pour atteindre un objectif partagé, un système d’information opérationnel et une coordination : il n’y a là rien de nouveau, mais c’est d’autant plus nécessaire que la crise est grave et que la solution est complexe.

      À rapprocher d’un texte plus ambitieux : Une nouvelle définition politique du soin (U.S.A) car explicitement #médecine_sociale ≠ pontes APHP
      https://seenthis.net/messages/848403

      #patient #relation_thérapeutique #trajectoire_de_soins #épidémiologie_de_terrain #multidisciplinarité

    • Covisans, Coronavirus : « Il faudra suffisamment d’équipes mobiles opérationnelles », pour empêcher un rebond de l’épidémie, Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, propos recueillis par Paul Benkimoun et Chloé Hecketsweiler, 2 mai 2020
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/02/coronavirus-avec-covisan-nous-formons-des-centaines-d-equipes-mobiles-pour-l

      Pour le professeur Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, promoteur du dispositif, le traçage et l’isolement des malades devraient faire ralentir la circulation du virus.

      Epidémiologiste de terrain et chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, le professeur Renaud Piarroux est le promoteur de Covisan, un réseau d’équipes mobiles à Paris et en Ile-de-France destiné à aider les personnes atteintes par le Covid-19 à se confiner. Il estime qu’une fois développé, ce dispositif permettrait de faire face à une reprise de l’épidémie.

      Comment anticipez-vous l’évolution de l’épidémie de SARS-CoV-2 dans les semaines qui viennent et en particulier à partir de la sortie progressive du confinement ?

      L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) travaille sur une modélisation des admissions à venir de patients atteints d’un Covid-19 dans les services de réanimation de nos hôpitaux. Elle est basée sur la version la plus récente du modèle de Simon Cauchemez de l’Institut Pasteur. Cette modélisation envisage l’évolution ultérieure de ces admissions jusqu’à la fin juin selon différentes hypothèses sur la circulation du virus.

      De plus de 2 500 au début avril, le nombre de patients hospitalisés en réanimation en Ile-de-France se situerait le 21 mai autour de 559, dont 256 dans des hôpitaux de l’AP-HP. Il s’agit d’un « point bas », établi dix jours après le début du déconfinement soit l’intervalle moyen entre la contamination et l’admission en réanimation.

      En partant de l’hypothèse d’un nombre de reproduction [le nombre moyen de contaminations à partir d’un même individu infecté] de 1,2, cette courbe descendante se poursuivrait, avant de s’infléchir légèrement à la hausse pour atteindre 497 patients en réanimations en Ile-de-France au 30 juin. Ce chiffre s’élèverait à 1 139 avec un nombre de reproduction à 1,5, sachant qu’il atteignait 3,5 au début de l’épidémie.

      A mon avis, l’évolution pourrait même être encore meilleure, avec un taux de reproduction autour de 1, si nous parvenons à généraliser le dispositif Covisan [d’accompagnement des patients pour les aider à se confiner], que nous testons actuellement dans différentes zones de l’Ile-de-France.

      Avez-vous travaillé sur des scénarios plus pessimistes ?

      Les modèles incluent toujours des hypothèses d’une absence de mesures ou d’un retour à la situation qui préexistait au moment de l’instauration du confinement. On peut cependant écarter cette éventualité, qui prendrait la forme d’un rebond de l’épidémie en juin avec un retour à un niveau presque aussi élevé que celui du début avril.

      Il n’y a aucune raison pour que l’épidémie se développe de la même manière qu’en mars. Les comportements de la population ont évolué par rapport à cette époque où beaucoup de gens ne percevaient pas bien le danger que le Covid-19 représentait.

      Comment vous préparez-vous face à l’éventualité d’une seconde vague de l’épidémie ?

      Nous devons nous mettre dans des conditions nous permettant de sentir venir une éventuelle nouvelle vague. Si nous parvenons à maintenir un nombre de reproduction ne dépassant pas 1,5, la montée du nombre des hospitalisations et des admissions en réanimation sera lente. Le plus probable est que le mois de mai et le début juin soient un peu plus calmes pour les services hospitaliers, en particulier en réanimation.

      Après cela, l’épidémie reprendra-t-elle ? Cela dépendra de ce que nous ferons pour l’éviter. En pratique, cela signifie détecter les cas possibles d’infection, tester et isoler les sujets infectés et retracer leurs contacts qu’il faudra aussi tester et isoler s’ils sont positifs.

      C’est le travail des équipes mobiles – terme que je préfère à celui, plus militaire, de « brigades » –, qui doivent joindre ces personnes avant qu’elles ne transmettent le virus.
      L’objectif d’un déconfinement progressif est de rester avec un nombre de reproduction inférieur à 1. Qu’est-ce que cela implique ?

      Il faudra suffisamment d’équipes mobiles opérationnelles. Tous les jours, je présente le dispositif Covisan à un amphi d’une centaine de volontaires qui viennent se former pour intégrer ces équipes. Ce sont des étudiants en médecine et en soins infirmiers, mais aussi des stewards et des hôtesses de l’air, des membres d’associations…

      Nous formons des centaines d’équipes mobiles pour l’Ile-de-France, mais la formation en quelques jours aux tâches qu’ils auront à accomplir ne suffit pas. Ils doivent être encadrés par des personnes plus chevronnées, et équipés, véhiculés, soutenus. Le défi est d’être opérationnel en quelques jours.

      Quelle est actuellement la force de frappe de ces équipes mobiles ?

      Nous avons déjà formé plus de 500 personnes. Une trentaine nous a rejoints à l’hôpital de la Pitié ; d’autres ont été dispatchés sur une dizaine d’autres sites hospitaliers de l’AP-HP. Je souhaite que le dispositif s’étende au plus vite. Ce travail se développe aussi en ville à Aubervilliers, Pantin et Bondy, ainsi que dans plusieurs arrondissements de Paris avec l’implication forte des médecins généralistes et des services municipaux.

      Les patients inscrits sur le site de télésuivi Covidom seront aussi contactés. Nous espérons disposer d’un maillage assez serré d’ici au milieu de la semaine prochaine, afin de rater de moins en moins de patients atteints du Covid-19.

      Quel est le principal enjeu à vos yeux ?

      C’est de former des équipes qui sachent parler aux patients et à leurs proches, capables de gagner la confiance de personnes parfois traumatisées par l’épidémie, ou en situation de grande précarité ou sans papiers, et avec elles de voir comment protéger et dépister leurs proches, leur entourage.
      Il s’agit tout autant d’aider les patients et leur famille que de casser les chaînes de transmission. L’un ne doit pas aller sans l’autre.

      Où les personnes que rencontrent les équipes mobiles seront-elles testées ?

      Elles pourront être testées n’importe où, y compris à l’occasion de visites à domicile, où le prélèvement peut être effectué. Les analyses seront ensuite réalisées soit sur une plate-forme à l’hôpital Broussais, soit dans d’autres centres.

      Nous n’attendons pas les résultats pour isoler les personnes pour lesquelles il existe une suspicion de Covid-19. Elles ont consulté un médecin qui a posé un diagnostic, les a orientées vers le Covisan, évalué s’il y a lieu d’hospitaliser le malade ce qui, dans la très grande majorité des cas n’apparaît pas nécessaire.

      A chaque fois que possible, le médecin de ville doit être dans la boucle. C’est plus simple là où les médecins se sont organisés comme dans les communes et arrondissements parisiens que j’ai cités précédemment.

      Que nous apprennent les statistiques de décès sur la surmortalité liée au Covid-19 ?

      En nous servant des données de l’Insee, nous établissons des graphiques sur la mortalité en population générale toutes les semaines. Nous sommes toujours dans une période de surmortalité, mais cela va mieux.
      Depuis le 1er mars, plus de 24 000 décès liés au Covid-19 ont été à déplorer dans les hôpitaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), mais il ne semble pas y avoir eu beaucoup de décès au domicile, à la différence par exemple de ce qui s’est produit à New York.

      En dehors des décès liés au Covid-19, il y a probablement des morts supplémentaires par rapport à 2019 et 2018, avec plus de décès dus à des infarctus ou des AVC [accidents vasculaires cérébraux], mais aussi moins dans les accidents de la route.

      Finalement, comment voyez-vous les mois à venir ?

      Nous connaîtrons deux moments critiques : juin-juillet, pour les effets du déconfinement, et octobre-novembre, période de réémergence des épidémies de virus respiratoires, avec notamment la grippe saisonnière. Nous devons anticiper afin de proposer une réponse pour éviter que la situation ne dérape.

      Les épidémiologistes sont pour une fois d’accord entre eux : la catastrophe envisagée n’a pas eu lieu grâce au confinement. Pour l’instant, il faut en profiter pour récupérer et permettre à notre système de soins de reconstituer ses forces.

      Edit
      Comment vont fonctionner les « brigades sanitaires » anti-coronavirus ? 3 Mai 2020
      https://www.zinfos974.com/Comment-vont-fonctionner-les-brigades-sanitaires-anti-coronavirus_a154023

      #épidémiologie_de_terrain #équipes_mobiles #médecins_généralistes #patients #détecter #tester #isoler #Covidom