• Les leçons de la pénurie de tests
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/25/les-lecons-de-la-penurie-de-tests_6037752_3232.html

    L’édito du Monde esquisse une critique de la gestion de la crise par le gouvernement. Un (léger) coup de patte contre le gouvernement, vite noyé dans une critique générale du «  système administratif  » français.

    Et un «  système de santé publique [qui] a négligé le volet préventif  ». Comme c’est commode la tournure impersonnelle !

    Editorial. Le système administratif français n’a pas su s’adapter avec la rapidité de décision et l’agilité qu’exigeait la production de tests dès le début de l’épidémie. Ce retard aura coûté cher.

    Editorial du « Monde ». Ce n’est qu’à la fin de l’épidémie liée au Covid-19 que pourra être dressé, pays par pays, l’inventaire de ce qui a fonctionné et de ce qui a échoué dans la lutte contre ce fléau mondial. Il est cependant indéniable que, depuis le début de la crise, la France est apparue en retard de deux guerres. Elle a d’abord dû faire face à une pénurie de masques, que les pouvoirs publics ont, dans un premier temps, tenté de nier. Elle a ensuite eu beaucoup de mal à se conformer à l’injonction du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui, dès le 16 mars, conseillait aux pays contaminés de « tester, tester, tester ».

    Le dépistage précoce des personnes susceptibles d’être porteuses du virus, même faiblement symptomatiques, permet en effet de les isoler et de rompre la chaîne de transmission de la maladie. Des pays comme l’Allemagne ont suivi à la lettre cette recommandation, avec jusqu’à présent des résultats évidents. La France, au contraire, est apparue à la traîne. Selon les chiffres fournis par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), la proportion de personnes testées, au 15 avril, était de 5,1 pour 1 000 habitants, soit près de trois fois moins que la moyenne des autres pays.

    Le gouvernement s’est engagé à monter progressivement en puissance, mais les conséquences sont lourdes : pour éviter que l’épidémie n’explose et sature le système de santé, l’ensemble de la population se trouve, depuis le 17 mars, confinée pour une période de deux mois, ce qui a de fortes conséquences sur l’activité économique, mais aussi sur le moral et la santé des personnes assignées à résidence. « Le coût humain est effrayant », constatait, dans une récente interview au Monde, le médecin et épidémiologiste William Dab, directeur général de la santé de 2003 à 2005. Il opposait l’« héroïsme » des soignants et l’« excellence » des soins aux graves lacunes du système de santé publique qui, de plus en plus atomisé et soumis aux pressions du marché, a dangereusement négligé, ces dernières années, le volet préventif.

    Mille initiatives
    Pour les tests comme pour les masques, la France ne manque ni de compétences ni de bonne volonté pour les produire. On a vu fleurir ces dernières semaines à travers toute la France des ateliers de couture et mille initiatives, nombre de laboratoires ont proposé leurs services pour activer la réalisation de tests. Mais, soudainement mis en tension, le système administratif, davantage formaté pour la gestion, a eu le plus grand mal à s’adapter. Toutes sortes de lourdeurs sont apparues, qui n’étaient pas seulement liées à la nécessité de s’assurer de la fiabilité des tests : respect excessif des procédures, désir de protéger telle ou telle citadelle, ou manque de dialogue entre les préfectures et les agences régionales de santé. Près d’un précieux mois a été perdu ; ce n’est qu’à la mi-avril que le gouvernement est parvenu à rassembler enfin tous les acteurs publics et privés au sein d’une « cellule de tests ».

    Interrogé la semaine dernière par le Financial Times, Emmanuel Macron estimait que la France, comme ses partenaires, était en train de « faire l’expérience de notre vulnérabilité ». La leçon à tirer, disait-il, c’est qu’il faut désormais mettre au premier plan « l’agenda éducatif, sanitaire et climatique ». Il ne suffira cependant pas d’injecter des milliards d’euros dans le système de santé français pour le consolider. Tout devra être repensé pour assurer, dans les meilleures conditions possible, la protection des Français.