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artiste aux mains pleines de doigts - visionscarto.net - Autrice de Bouts de bois (La Découverte)

  • Nourrir Paris en temps de crise… et après ?
    https://theconversation.com/nourrir-paris-en-temps-de-crise-et-apres-135971

    Dans le scénario d’autonomie et de reconnexion, avec l’abandon du recours aux engrais et aux pesticides de synthèse, la production protéique des terres arables diminue de 20 %, ce qui n’empêche toutefois pas la France de disposer d’un excédent de production céréalière disponible pour une exportation à hauteur de 40 % du niveau actuel.

    Le cheptel, réduit de moitié, suffit à couvrir les besoins en viande et lait de la population de 75 millions d’habitants demitariens. La France n’exporte plus de poudre de lait, mais peut encore fournir le marché international en fromages AOC !

    Là encore on ignore le problème de déficit de fruits et légumes pour favoriser les exports de céréales !

    • Super texte ! (Malgré le silence sur les fruits et légumes, il est assez rapide.) Il fait un peu l’histoire de la capacité productive agricole de la France et de deux grandes pistes. La fin un peu nœud-nœud cite une macronnerie gentillette pour se convaincre qu’il est possible qu’on parte vers un modèle autonome moins lié au marché mondial et au grand capital agri, tu parles.

      Jusqu’au milieu du XXe siècle, Paris était approvisionné pour l’essentiel par un hinterland nourricier, un territoire d’une centaine de kilomètres entourant la ville. Sa capacité à produire des excédents par rapport aux besoins de sa propre population a progressé au même rythme que la croissance démographique urbaine.

      Le système agricole qui a permis une telle évolution, c’est celui de la polyculture-élevage ; ici, l’épandage des déjections animales permet de restituer aux sols cultivés des nutriments exportés par la récolte. Ces déjections proviennent principalement du broutage par les troupeaux de légumineuses fourragères, tels le trèfle ou la luzerne, capables à l’inverse des autres végétaux de fixer l’azote de l’air, essentiel à la croissance des plantes.

      La toute proche banlieue parisienne s’était spécialisée, elle, dans les fruits et légumes frais fertilisés aux engrais urbains – excréments humains, fumier de cheval et déchets alimentaires.

      Le tournant des années 1950

      Avec l’avènement de l’agriculture industrielle, à partir de 1955, et la généralisation de l’usage des engrais azotés de synthèse produits industriellement, l’agriculture céréalière a pu se passer de l’élevage et de ses précieuses déjections.

      Le centre du bassin parisien s’est alors spécialisé dans les grandes cultures céréalières d’où les troupeaux avaient disparu. Sa production agricole a bien vite dépassé les besoins en grain de l’agglomération parisienne, bien que la population urbaine ait doublé dans le même temps. 80 % de cette production est aujourd’hui destinée à l’exportation.

      Le bétail, exclu de ces zones centrales du bassin, s’est concentré dans les régions périphériques : le Grand Est où s’est maintenue la polyculture-élevage, et surtout le Grand Ouest, spécialisé depuis les années 1980 dans un élevage intensif, basé sur l’importation massive de soja d’Amérique latine. Les fruits et légumes sont issus de régions toujours plus lointaines de la capitale, la distance moyenne d’approvisionnement passant de 100 km à la fin du XIXe siècle à 790 km au début du XXIe siècle.

      La dépendance en ressources fossiles (les hydrocarbures pour la production d’azote, phosphates et potassium miniers), situées hors de l’Union européenne, est devenue extrême et le taux de recyclage des engrais urbains est désormais proche de zéro.

      Une concentration d’acteurs

      Parallèlement à cet éloignement géographique des zones d’approvisionnement, le système de transformation et de distribution alimentaire s’est profondément concentré.

      Quelques grands groupes contrôlent des filières entières, telles que la collecte, le négoce et la transformation du lait, des céréales, des oléagineux et de la betterave. La grande distribution – c’est-à-dire sept grandes enseignes (Auchan, Carrefour, Cora, Leclerc, Casino, Système U, Les Mousquetaires) – et quelques centrales d’achat se taillent la part du lion des ventes alimentaires.

      Le commerce de détail, les marchés, la vente directe, ou les modes plus coopératifs d’approvisionnement, comme les AMAP ou les épiceries solidaires, ne concernent aujourd’hui qu’une fraction mineure de l’approvisionnement des particuliers.
      Les conséquences de la pandémie

      La crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui pourrait encore renforcer la position hégémonique de la grande distribution.

      Le premier scénario (dit « Ouvert et spécialisé ») consiste dans la poursuite du mouvement de spécialisation, de déconnexion de l’élevage d’avec l’agriculture et d’ouverture sur les marchés internationaux.

      Il est dans la droite ligne des objectifs de croissance et de mondialisation affirmés par la plupart des politiques publiques nationales et européennes. Dans un discours au monde agricole, en 2018, le Président Emmanuel Macron ne dit-il pas :

      « Il n’y a pas d’avenir de notre agriculture s’il n’y a pas une ouverture raisonnée, organisée en matière commerciale. […], il ne faut pas avoir peur de cette ouverture, il faut s’organiser pour en être les gagnants. »

      Le second scénario (dit « Autonome, reconnecté, demitarien ») suppose au contraire une réorganisation profonde du système agro-alimentaire français. Il s’agit d’accroître l’autonomie en intrants des exploitations et des territoires, de diversifier les rotations culturales en y intercalant des légumineuses fixatrices d’azote, fourragères (luzerne, trèfle…) ou à graines (lentilles, pois…), selon les principes de l’agriculture biologique.

      Il s’agit aussi de réintroduire l’élevage dans les régions où il a disparu et de reconnecter la production agricole avec une consommation alimentaire moitié moins riche en protéines animales (le régime « demitarien »).

      La valorisation agricole des engrais urbains, principalement les urines humaines mais aussi les biodéchets alimentaires et les matières fécales, permettant également de renforcer la fourniture d’engrais local.

      Ces deux scénarios se révèlent l’un comme l’autre capables de nourrir la population française à l’horizon 2050. L’accroissement de la production agricole dans le scénario d’ouverture et de spécialisation rendant possible un doublement des exportations de céréales.

      Dans le scénario d’autonomie et de reconnexion, avec l’abandon du recours aux engrais et aux pesticides de synthèse, la production protéique des terres arables diminue de 20 %, ce qui n’empêche toutefois pas la France de disposer d’un excédent de production céréalière disponible pour une exportation à hauteur de 40 % du niveau actuel.

      Le cheptel, réduit de moitié, suffit à couvrir les besoins en viande et lait de la population de 75 millions d’habitants demitariens. La France n’exporte plus de poudre de lait, mais peut encore fournir le marché international en fromages AOC !

      En matière de contamination des eaux par les nitrates et les pesticides, ainsi qu’en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, la comparaison est largement en faveur de ce second scénario.

      #autonomie_agricole #autonomie_productive
      #agriculture #élevage