• Le défi de la rentrée scolaire au temps du Covid-19
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    Editorial. La part de risque que prend le gouvernement en décidant de rouvrir progressivement, à partir du 11 mai, les écoles, collèges et lycées n’est admissible que si les conditions du retour en classe permettent de garantir le maximum de sécurité sanitaire.

    Editorial du « Monde ». Scientifiques et politiques. Cet attelage incertain est mis à l’épreuve comme jamais depuis le début de la crise due au coronavirus. Le choix du président de la République de rouvrir progressivement, à partir du 11 mai, les écoles, collèges et lycées qu’il avait décidé de fermer le 16 mars, ravive cette tension. « Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires, dans nos campagnes, sont privés d’école (…) et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents », avait déclaré le chef de l’Etat pour justifier le retour des élèves en classe, dont le premier ministre doit préciser les modalités mardi 28 avril. La nécessité d’accompagner la reprise économique plaide dans le même sens.

    Mais voila que le conseil scientifique mis en place par le gouvernement lui-même contredit explicitement l’annonce présidentielle. Tout en prenant « acte de la décision politique » de rouvrir les établissements scolaires, le collège de scientifiques « propose » de les maintenir fermés jusqu’en septembre. « Le risque de formes graves est faible dans cette population, estime-t-il. A l’inverse, le risque de transmission est important dans les lieux de regroupement massif que sont les écoles. »

    Le partage des tâches entre des médecins, dont l’avis est essentiel en temps de pandémie, et des élus garants de la vie globale du pays relève du bon fonctionnement de la démocratie. Aux experts de jauger les risques ; au gouvernement d’assumer les responsabilités politiques en fonction de l’ensemble des paramètres sanitaires, sociétaux et économiques. Le fâcheux précédent du maintien des élections municipales invite cependant à la vigilance.

    Aider ceux qui auront pâti de l’interruption des cours
    La reprise très graduelle des cours, la limitation des groupes d’élèves, la désinfection des salles et le port obligatoire du masque pour les collégiens et les lycéens apparaissent comme des précautions minimales. Justifié, le caractère facultatif de la présence physique des élèves devant les professeurs pose le problème de l’organisation de l’enseignement à distance pour ceux dont les parents – deux sur trois, et davantage encore dans les familles défavorisées, selon un sondage – refuseront le retour en classe.

    La part de risque que prend le gouvernement n’est admissible que si les conditions matérielles du retour en classe permettent de garantir le maximum de sécurité sanitaire, tant pour les 2,9 millions d’élèves potentiels que pour le 1,1 million de personnels de l’éducation nationale. Les syndicats d’enseignants ont raison de s’inquiéter du manque de masques et de la difficulté de faire respecter les règles de distanciation. Aux côtés des enseignants, les élus locaux et les chefs d’établissement ont un rôle primordial à jouer pour adapter les règles au plus près du terrain.

    Si l’école doit, elle aussi, préparer la « vie d’après », c’est en repérant et en aidant les élèves qui auront le plus pâti de l’interruption des cours, mais aussi en rodant des procédures de précaution qui devront désormais faire partie de la vie scolaire. Remettre en marche très progressivement l’énorme machine éducative peut amortir le terrible choc que représenterait la rentrée de septembre après presque six mois d’interruption totale.
    Mais le choix du président de la République, qui revient à agir contre l’avis des scientifiques, serait plus facile à justifier si Emmanuel Macron ne s’était pas si longtemps retranché derrière les mêmes experts pour justifier de décisions politiques ou camoufler les défaillances gouvernementales, comme en matière de masques.