• Face à la paralysie du secteur, les intermittents du spectacle demandent une « année blanche », Sandrine Blanchard
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/04/27/intermittents-annee-blanche-pour-annee-noire_6037905_3246.html

    Artistes et techniciens se mobilisent pour que des mesures soient prises afin de ne pas être radiés de Pôle emploi en raison de la crise due au Covid-19.

    Une « année blanche » pour surmonter l’« année noire » : depuis quelques jours, la mobilisation des intermittents du spectacle monte en puissance pour réclamer une solution radicale face à la situation catastrophique dans laquelle la crise liée au coronavirus a plongé durablement le secteur culturel.

    Afin d’éviter qu’une partie importante des intermittents du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel se retrouvent à court terme sans ressource et radiés de Pôle emploi, deux pétitions qui se sont rejointes (collectifs « Année noire » et « Culture en danger »), réunissant près de 200 000 signatures à la date du lundi 27 avril, ainsi que plusieurs syndicats, réclament l’instauration d’une « année blanche » pour tous. Cela consisterait à prolonger de douze mois (à compter de la date de réouverture des lieux de spectacle) les droits à l’assurance-chômage afin de laisser le temps à tous les projets remis en cause de pouvoir redémarrer. « C’est la seule solution pour éviter l’hécatombe sociale et culturelle, pour éviter de mourir », insiste le comédien Samuel Churin, membre de la Coordination des intermittents et précaires.

    Noire, l’année 2020 l’est et le sera au moins jusqu’à l’automne : la mise à l’arrêt, depuis dimanche 15 mars, des salles de spectacles, de cinéma, des théâtres, des répétitions, des tournages et l’annulation en série des festivals et événements du printemps-été ont stoppé net toute possibilité pour les artistes et techniciens de travailler et d’acquérir les 507 heures annuelles nécessaires à l’ouverture ou au renouvellement de leurs droits au régime spécifique de l’assurance chômage (annexes VIII et X). A cela s’ajoute l’absence de visibilité sur la date à laquelle les lieux pourront de nouveau accueillir des spectateurs. Dans son dernier avis relatif à la sortie progressive du confinement, rendu public samedi 25 avril, le conseil scientifique Covid-19, chargé de conseiller le chef de l’Etat, indique : « Il est nécessaire de maintenir fermés ou interdits tous les lieux et événements qui ont pour objet ou conséquence de rassembler du public en nombre important, qu’il s’agisse de salles fermées ou de lieux en plein air. »

    Deux mesures d’urgence

    Pour l’heure, deux mesures d’urgence ont été prises : les intermittents dont la date anniversaire (ouvrant les droits) tombe entre le 1er mars et le 31 mai verront leurs indemnités prolongées de trois mois. Et la période de confinement sera « neutralisée » pour le calcul des 507 heures. « Les premières mesures ne règlent le problème que pour quelques semaines », souligne Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale CGT des syndicats du spectacle. « Que fait-on après le 31 mai ? »

    « Nos métiers ont des fonctionnements particuliers faits de caractère saisonnier (les festivals de printemps et d’été), et de calendriers contraints (la plupart des salles de spectacle ont leur programmation engagée pour la saison 2020-2021 depuis le mois de février). Ainsi, la plupart des spectacles ou des projets reportés ne pourront se réaliser au mieux qu’un an à un an et demi après la réouverture des salles de spectacle », explique la lettre ouverte envoyée au président de la République, à l’initiative du metteur en scène Jean-Claude Fall. Venue compléter les pétitions, cette lettre est signée par une flopée d’artistes, d’administrateurs de festivals et de compagnies.

    Jeudi 23 avril, devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, Franck Riester a reconnu que « la culture traverse une crise sans précédent. Je ne sais pas si les mots peuvent être suffisants pour décrire la situation dans laquelle nous sommes, étant donné la paralysie du secteur. C’est terrible en termes économique, social, sociétal, car la culture est essentielle ». Lors de son audition, le ministre de la culture a promis de « faire évoluer les dispositifs d’urgence, y compris après le 31 mai, pour maintenir l’accompagnement et n’oublier personne ». Interrogé par plusieurs députées sur l’idée d’une « année blanche », il a esquivé la question et n’a pas pris position.

    « Cette “année blanche” paraît nécessaire et légitime, considère Michèle Victory, députée socialiste de l’Ardèche, sinon on se dirige vers une grande exclusion et beaucoup de personnes au RSA dans moins d’un an ». Pour elle, cette proposition d’« année blanche » est « simple » : « On repart, pour douze mois, sur la même base des indemnités versées l’année précédente. » Au sein de La République en marche (LRM), on reconnaît que le calcul des 507 heures est « un sujet ». « On ne sait pas quand et comment le secteur culturel pourra reprendre. Il y a un besoin de clarification sur l’effet de la neutralisation de la période de confinement. L’idée est quand même de protéger les intermittents », reconnaît la députée LRM de la Seine-Saint-Denis, Sylvie Charrière.

    « Une remise des compteurs à zéro »

    Pour les pétitionnaires, le mécanisme d’« année blanche » « est en quelque sorte une remise des compteurs à zéro ». Cela revient à faire comme si l’année 2020 n’avait pas existé. L’Unédic serait alors appelée à prendre comme référence l’exercice 2019 pour permettre à chacun de reprendre son souffle. « Cette solution a le mérite d’être simple, claire et relativement peu onéreuse, la plupart des intermittents auraient, en effet, dans des circonstances normales, reconstitué leurs droits comme ils le font habituellement », indique la lettre ouverte. Si rien n’est fait, « cela reviendrait à ce que l’assurance-chômage fasse des économies sur le dos des intermittents », affirme Denis Gravouil.

    A Franck Riester, qui ne cesse de répéter qu’« il n’y aura pas de trous dans la raquette », les pétitionnaires font valoir que la recommandation d’une « année blanche » lui permettrait « de réduire les coûts financiers en gestion humaine et financière, de ne pas empiler les calculs compliqués et de ne pas multiplier les solutions imprécises ».

    Se souvenant avoir « vendu 78 dates de représentations » lors de son dernier Festival d’Avignon, Samuel Churin redoute une « déflagration » dans le domaine du spectacle vivant. « Tous les spectacles reportés du fait du confinement vont boucher l’entrée aux nouvelles créations pendant près d’une saison », prévient-il. Devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le ministre s’est dit « conscient du drame vécu », tout en reconnaissant qu’en attente de la doctrine nationale en matière de règles sanitaires, il n’avait pas « les réponses à toutes les questions ».

    Un fonds exceptionnel de solidarité

    « Le plus dur va être de convaincre Bercy et la ministre du travail, Muriel Pénicaud », redoute Denis Gravouil. « Sur ce coup-là, Franck Riester a une carte politique à jouer. Il sera celui qui sauve le système… ou qui l’enterre », résume Samuel Churin. Le comédien rappelle qu’en 2004, Renaud Donnedieu de Vabres, l’un de ses prédécesseurs rue de Valois, avait sauvé le système de l’intermittence sans attendre l’arbitrage de Bercy. « Il devrait l’appeler », sourit-il.

    Dans un courrier adressé mercredi 22 avril à Franck Riester, les députés socialistes et apparentés de la commission des affaires culturelles demandent un fonds exceptionnel de solidarité de 300 millions d’euros pour les artistes et techniciens. « En 2004, dans une période déjà explosive pour les intermittents du spectacle, un fonds similaire avait été mis en place pour douze mois et avait ainsi permis de sauver de la déroute la majorité des artistes », soulignent-ils.

    Pour l’heure, le fonds d’urgence est de 22 millions d’euros. « On est loin du compte et je ne suis pas très optimiste, glisse Michèle Victory. Pourtant, on ne peut pas à la fois dire que la culture est essentielle et ne pas mettre les moyens pour la sauvegarder. »

    #Intermittents_du_spectale #chômage #allocation_chômage #précarisation #pétition #spectacle

    • Intermittence du spectacle : LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE - #Pétition

      https://www.change.org/p/présidence-de-la-république-culture-en-danger-lettre-ouverte-au-président-de

      Monsieur le Président,

      Nous avons peur, peur pour nous et pour la culture de notre pays.

      Nous avons peur que, malgré les efforts des uns et des autres, les mises en garde répétées venues de tous bords, votre gouvernement ne soit pas assez en alerte sur les problèmes à venir pour les artistes et les technicien-ne-s intermittent-e-s du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel, dans un temps qui va s’accélérant.

      Comme d’autres corps de métiers, comme tant d’autres travailleurs précaires et chômeurs, les salarié-e-s intermittent-e-s sont terriblement impacté-e-s par la crise du COVID19 [...].

      NOUS DEMANDONS DONC QUE LES DROITS DE TOUS LES ARTISTES ET LES TECHNICIEN-NE-S INTERMITTENT-E-S SOIENT PROLONGÉS D’UNE ANNÉE AU DELÀ DES MOIS Où TOUTE ACTIVITÉ AURA ÉTÉ IMPOSSIBLE.

      Une remise des compteurs à zéro en quelque sorte.
      Bien sûr, nous avons conscience que l’ensemble des chômeurs et précaires doivent bénéficier de mesures analogues .

      Les salarié-e-s intermittent-e-s qui auraient rapidement reconstitué leurs heures ouvrant droit à indemnisation verraient leur date anniversaire (et leur indemnisation) recalculée, de façon que le système retrouve son état normal le plus rapidement possible.

      De cette façon tou-te-s seraient traité-e-s de façon égale. Pas de privilégié-e-s par le hasard de circonstances heureuses (spectacles reportés dans un délai rapide, nouveaux projets où pourraient se trouver engagé-e-s des intermittent-e-s qui avaient vu leurs projets initiaux reportés ou annulés, etc.).
      Cette solution a le mérite d’être simple, claire, radicale et relativement peu onéreuse (la plupart des intermittent-e-s auraient en effet, dans des circonstances normales, reconstitué leurs droits comme ils le font habituellement).

      #lettre

    • Il est question de #date_anniversaire. ’Il n’y en plus depuis la « réforme » de l’Unédic de 2003 (ce n’est plus sur un an mais sur 8 mois et demi pour les techos et 10 pour les « artistes » qu’il faut effectuer les 507 heures : hausse du temps de travail pour ouvrir des droits, prime à l’employabilité et sanction financière pour qui n’est pas assez « actif »).

      Dire « la plupart des intermittent-e-s auraient en effet, dans des circonstances normales, reconstitué leurs droits comme ils le font habituellement », est un pieux mensonge. Depuis 2003, l’intermittence de l’intermittence s’est développée, ceux qui ne se sont pas réfugiés dans les CDI, ceux qui n’ont pas dégringolés dans l’auto-entrepreneuriat ou d’autres modalités qui n’ouvrent pas droit aux annexes 8 et 10 de l’Unédic connaissent des ruptures de droit à allocation chômage et une partie d’entre eux parvient à réouvrir des droits après une période sas allocation.

      Lorsque des festivals ont été annulés, des films bloqués avant même leur diffusion en salle, des plateaux tv envahis et des émissions interrompues, des employeurs et institutions occcupés en grand nombre, dire que ce qui était demandé (une continuité de droits) ne coûtait pas cher correspondait à une réalité mesurable. Il ne reste de cela qu’un argument tactique qui ne tient pas la route (sauf capacité de nuisance économique et symbolique forte pour l’étayer à nouveau).

      Idem pour ce qui est de la référence aux autres chômeurs et précaires, elle ne demeure présente qu’en tant que supplément d’âme affiché pour établir un contre-feu destiné à prévenir l’accusation de privilégiature (souvent des taffs moins atroces, voire « épanouissants », la possibilité pour une partie des concernés d’avoir du temps libre, de produire sans emploi en utilisant les allocations, des droits moins miteux), évidement utilisée pour délégitimer les revendications et exciter le ressentiment de ceux qui se lèvent tôt le matin, ou voient leur fin de mois débuter entre le 6 et le 12.
      Or, les « chômeurs en activité réduite » sont plus que jamais légion, et ceux de l’hôtellerie restauration commerce sont dans une situation très voisine pour celui concerne les droits au chômage après le chômage partiel de la crise sanitaire. Si ce n’est que eux ne sont pas épargnés par la réforme du chômage qui vient et supprime les droits rechargeables en divisant le montant de l’allocation journalière (des droits calculés sans « salaire journalier de référence » puis que la référence sera le salaire gagné sur le mois, quelque soit le nombre de jours employés).

      Sous le coup de la concurrence accrue (et des tripatouillage de Valls qui avait fait mine de « négocier » en jouant la concertation qui coûte pas cher) ce qui redémarre peut-être parait avoir fait litière de l’expérience des vaincus. Et si à la faveur de la crise, celle-ci revenait sans crier gare ?

      EDIT mel reçu :

      depuis 2016, la date d’anniversaire est de nouveau d’actualité pour les intermittent.e.s du spectacle, annexe 8 et 10. On doit faire 507 heures entre : la date T du dernier contrat qui compte pour l’ouverture des droits à venir et la date T+365 (sauf si on est sous contrat à ce moment-là, on attend la fin du contrat en cours). Le truc qui craint c’est que si par exemple tu fais tes 507h entre le 13 juin 2019 et le 1er janvier 2020 et qu’après tu ne travailles plus jusqu’au 13 juin 2020 (date de réexamen) ta nouvelle date anniversaire devient le 1er janvier et du coup tu devras faire tes 507 heures entre le 14 juin 2020 et le 1er janvier 2021 (c’est ce qu’on appelle la date d’anniversaire mouvante). D’où l’intérêt à chaque fois de dégoter un contrat précédant de tout près de ta date anniversaire.