• Arrêt sur images
    https://www.arretsurimages.net/lhebdo-9-13-05-2020

    Souvenez-vous. Nous sommes le 22 février 2020. En Italie, les villes du nord se barricadent, les écoles ferment : on vient d’annoncer le 2è mort italien, et européen, du coronavirus. Exactement au même moment, Emmanuel Macron fait le plein de microbes au Salon de l’Agriculture, claquant la bise, serrant des centaines de mains, posant joue contre joue pour un selfie en tenant lui-même le smartphone. Par quel miracle le virus a-t-il contourné ce jour-là les salles bondées de la porte de Versailles ?

    Ce qui frappe cependant le plus, ce 22 février, c’est que les chaînes d’info en continu alternent sans transition entre la tragédie italienne et l’allégresse présidentielle, rehaussée par la bière et le vin blanc ; pensant peut-être que le Covid ne franchira pas la frontière, façon nuage de Tchernobyl - et puis de toute façon, comme l’indique une urgentiste en plateau (BFM, 20H11) « la France a un système de santé très solide, où on prépare ces crises très en amont » (montage en accès libre).

    27 000 morts (français) plus tard, nous vous invitons, cette semaine, à remonter le temps. Voici quatre montages anti-amnésie effectués par l’équipe d’Arrêt sur images, intitulés « Il y a deux mois », qui nous replongent dans la conversation des plateaux télé entre la fin février et la mi-mars. C’est l’essence même de l’info en continu, ou du talk-show de chaîne généraliste, que de ne pas penser, ne pas douter, ne pas mettre en perspective. Et nous-mêmes, téléspectateurs avides, nourrissons la bête.

    Une plongée dans les plateaux et JT du 29 février, par exemple, montre que les journalistes et experts attitrés des chaînes semblent ignorer l’idée d’exponentialité, pourtant indissociable du virus. « On ne se serre plus la main, on ne se fait plus la bise ? », regrette, atterré, un journaliste. Quand à un scénario de confinement « à la lombarde », « il n’en est pas question pour l’instant », rétorque un médecin-maison. Le 7 mars, des politologues nous l’assurent : mais oui, on peut maintenir le premier tour des municipales, parce que, lors d’un vote, « les gens ne font que passer ». Les nombreux contaminés du 15 mars, les veufs et veuves des maires décédés suite à la campagne et au scrutin, apprécieront. Dernier montage : il concerne, évidemment, les masques, pour « la population générale », comme dit Edouard Philippe. « Ça ne sert à rien », nous assène-t-on à longueur de plateau. « On n’est pas au Japon ! », glousse Michel Cymes, tout en raffinement. C’était il y a deux mois.

    #in_retrospect