• Suivi de l’épidémie : le cafouillage de l’Insee sur les morts à domicile - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/190520/suivi-de-l-epidemie-le-cafouillage-de-l-insee-sur-les-morts-domicile?ongle


    Le formulaire d’avis de décès.
    © DR

    Les chiffres de la mortalité font ressortir une forte hausse des décès à domicile. Mais ces données sont erronées. Le Covid-19 a tué dans les hôpitaux, dans les Ehpad, mais pas dans les maisons. Ou, du moins, dans des proportions beaucoup plus faibles.
    […]
    L’erreur ne vient pas de l’Insee mais des mairies chargées de renseigner ces informations. Lorsqu’une personne décède, sa mort est enregistrée par un officier d’état civil. À charge pour l’employé de mairie de renseigner notamment le lieu du décès. Les informations à renseigner sont précisées dans un document administratif intitulé « Cerfa 7 bis ». L’officier d’état civil doit cocher une case parmi six propositions : logement, établissement hospitalier, clinique privée, maison de retraite, voie ou lieu public, autre.

    Or, il s’avère que dans toutes les mairies que nous avons contactées, les employés municipaux cochent la case logement pour les personnes âgées décédées dans des Ehpad où elles étaient également domiciliées. Le résultat donne une surévaluation des décès à domicile et à l’inverse une sous-évaluation des morts en maison de retraite. « Lorsqu’il y a un décès en Ehpad, mes agents cochent la case logement lorsque le défunt était également domicilié dans l’Ehpad », explique Jean-Michel Février, chef du service état civil de Bagnolet.

    Le problème, selon lui, vient notamment d’un manque d’instructions. « Les directives ne sont pas suffisamment claires. Résultat, on se retrouve avec des mauvaises pratiques », ajoute-t-il. Ce qu’il trouve plus embêtant, c’est que cette erreur de saisie ne date pas d’hier. « Je suis en poste depuis 2015 à Bagnolet, mais il est probable que nos services fassent remonter de fausses statistiques depuis au moins vingt ans. »

    À l’Insee, Chantal Villette, adjointe à la cheffe du département démographie, confirme l’existence « d’un biais assez fort ». « Les données qui nous sont remontées peuvent être effectivement biaisées, notamment si les communes indiquent la modalité “à domicile” plutôt que “hospice, maison de retraite”. Nous n’avons pas les moyens de contrôler la véracité de ces informations. On se base sur les déclarations des officiers d’état civil. Mais nous allons prochainement repréciser les consignes. »

    L’Insee ne semble pas non plus disposer des informations nécessaires pour pouvoir corriger ses données. « Le problème, c’est qu’on n’a pas les adresses exactes des lieux de décès. À ce stade, nous ne pouvons donc pas faire les vérifications », explique Chantal Villette.

    Autre problème : ce biais statistique affecterait également les données des autres institutions en charge du suivi de la mortalité, dont l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, qui est rattaché à l’Inserm, est chargé, comme son nom l’indique, d’étudier les causes de la mortalité en France et de rendre le décompte précis des victimes de la pandémie, dans un rapport attendu au mois de juin.

    Sauf que les données de l’Inserm sont probablement aussi biaisées que celles de l’Insee. « Lorsque la transmission se fait sous forme papier, les informations de l’Inserm sur les lieux de décès sont remontées via un bulletin très similaire au nôtre, qui est renseigné de la même manière par les officiers d’état civil des mairies », indique Chantal Villette.

    Le département démographie de l’Insee compte désormais sur les remontées faites par les agences régionales de santé auprès de Santé publique France pour mesurer l’ampleur des fausses informations. « Santé publique France utilise d’autres outils pour recenser les décès en maison de retraite et à l’hôpital. Ces outils devraient nous permettre de mesurer les écarts avec nos données », espère Chantal Villette.

    La seule autre source sur la question des décès à domicile pendant la pandémie venait d’une enquête menée par le syndicat de médecins généralistes MG France. Dans une note publiée le 26 avril, très reprise dans les médias, le syndicat estimait que près de 9 000 décès en ville seraient en rapport avec le Covid-19.

    Mais son président, Jacques Battistoni, n’est aujourd’hui plus si sûr des conclusions de son enquête. « 9 000, c’est un chiffre calculé vraiment à la louche. Si on avait 5 % des médecins qui nous répondaient dans un département, on multipliait les chiffres par vingt. C’est donc assez grossier », reconnaît-il. Jacques Batitstoni n’exclut pas par ailleurs que les médecins qui ont participé à cette enquête aient pu eux-mêmes confondre domicile et Ehpad. « Il y a peu de faits avérés sur ce sujet et très peu de faits mesurables », conclut-il.

    En réalité, le nombre de personnes décédées chez elles du Covid-19 pourrait être très faible. C’est du moins ce qu’estime Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l’Inserm. « Les pays qui effectuent des veilles sanitaires par lieu de décès, comme la Suède, la Belgique, l’Angleterre ou encore les États-Unis, constatent que les morts à domicile représentent une part relativement modérée des victimes. Les chiffres varient de moins de 1 % en Belgique à 6 % pour les États-Unis où les populations défavorisées ont un accès très difficile au système de santé », analyse le chercheur.

    • Pas très bien relu cet article

      dans des Ehpad où elles étaient également domiciliées". Le résultat donne une surévaluation des décès à domicile et à l’inverse une sous-évaluation des morts en maison de retraite. « Lorsqu’il y a un décès en Ehpad, mes agents cochent la case logement lorsque le défunt était également domicilié dans l’Ehpad

      Je pense qu’il faut comprendre « où elle étaient légalement domiciliées, puisqu’on ne peut être domicilié dans deux domiciles différents le »également" est incohérent.
      Du coup si l’Ehpad est légalement leur domicile les officiers d’état-civil font juste bien leur boulot.
      Et les statisticiens doivent se débrouiller avec ça.

    • C’est peut-être plus la place que l’on donne aujourd’hui à la mort et à nos vieux en fin de vie dont il est question @vazi
      car si on est incapable de distinguer un @chezsoi d’un mouroir en les nommant pareillement domicile c’est qu’il y a un vide de pensée à cet endroit. Un vide qui dit tout l’abandon que nous perpétuons en déplaçant les vieux dans des lieux innommables.