MNA COVID 19

Groupe pluridisciplinaire de recherche sur les Mineurs Non Accompagnés - Institut Convergences Migration

  • Les Midis du Mie mettent à l’abri les mineurs isolés étrangers

    http://www.lavie.fr/solidarite/initiatives/les-midis-du-mie-mettent-a-l-abri-les-mineurs-isoles-etrangers-06-05-2020-1060

    Héberger et nourrir une soixantaine de migrants de moins de 18 ans, c’est le combat de ce collectif parisien. En pleine crise sanitaire, la mobilisation s’est accrue pour les protéger et les accompagner.

    « C’est du riz et du poulet aujourd’hui ?, lance Agathe Nadimi. Ça va leur faire plaisir, ils adorent ça. » La fondatrice de l’association les Midis du Mie (en 2016) a garé sa Twingo bleue, déjà pleine de briques de lait, jus de fruit, gâteaux, gel douche et autres provisions pour les mineurs isolés étrangers (Mie). Véronique, Virginie et Léa, volontaires ce jour-là, entassent dans leurs voitures les barquettes, packs d’eau, yaourts. Les attestations de déplacement sur le tableau de bord, la tournée peut commencer.

    Chaque vendredi, le rendez-vous est donné au pied d’un immeuble de Paris (XXe). C’est dans l’appartement de Sharon et Mikaël que se trouvent les repas, préparés par la cuisine Ma Sarr solidarité et conditionnés en barquettes par le couple. Habituellement, les plats sont distribués aux mineurs par les Midis du Mie, dans un jardin voisin. Créant des moments de convivialité autour d’un déjeuner, ces distributions sont aussi l’occasion de faire du lien avec ces jeunes, de les orienter dans leurs démarches et de prendre en charge les plus fragiles. Mais avec le confinement, il a fallu s’adapter. Désormais, ce sont les associations qui se déplacent auprès des jeunes pour leur apporter les produits de première nécessité, et, une fois par semaine, les bénévoles des Midis du Mie chargent les voitures.
    Des solutions d’hébergement

    Une soixantaine de jeunes sont accompagnés. En plus du soutien administratif et alimentaire, le collectif tente, en temps normal, de les loger grâce à un système d’accueil citoyen et des hébergements collectifs. « Avec le confinement, ce n’était plus possible de demander à des bénévoles de se confiner avec eux et de faire des allers et retours, explique Agathe Nadimi. Certaines personnes qui accueillaient un jeune nous ont demandé de trouver une autre solution, car elles n’avaient pas la possibilité de gérer cette vie confinée. »

    Ils ont été confinés dans un gymnase avec 40 personnes. Ça n’a pas de sens.

    Les mineurs ont donc été mis à l’abri dans des hôtels, aux frais de l’association. « Je me disais que c’était pour quelques jours, le temps que l’État et la mairie trouvent une solution pour eux, précise la militante. Mais un mois plus tard, il n’y avait toujours aucune proposition. La seule réponse a été de nous dire d’accompagner les jeunes dans un commissariat, qu’ils seraient mis à l’abri. Je l’ai fait pour deux d’entre eux, et ils ont été confinés dans un gymnase avec 40 personnes. Ça n’a pas de sens. » Les nuits d’hôtel ont déjà coûté près de 10.000 € aux Midis du Mie, auxquelles s’ajoutent les frais de nourriture. « J’essaie de tous les sortir de l’hôtel grâce aux appartements que nous prêtent des particuliers », ajoute Agathe Nadimi.
    Besoin de lien et de soutien

    Les deux voitures s’arrêtent dans une petite rue du XVIIIe arrondissement. « Sadio (les prénoms ont été modifiés, ndlr), tu préviens les autres et vous descendez ? », demande Agathe Nadimi, au téléphone. Dix jeunes sont hébergés dans cet hôtel, et nourris par des associations solidaires. Le jeune homme arrive, tout sourire. « Sadio, je l’ai sorti de la rue il y a trois mois, poursuit-elle. Il aimerait bien qu’on lui trouve une famille plutôt que de rester à l’hôtel, mais c’est difficile en ce moment. » Un petit groupe se retrouve alors sur le trottoir, à discuter. « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, les garçons ? J’ai des produits d’hygiène. Dentifrice, brosse à dent ? Tu as besoin de quoi toi ? » Agathe redonne les informations sur les repas, prend des nouvelles et s’assure que le moral est bon. « Ce sont des adolescents, ils ont besoin de lien et de soutien », confie-t-elle.

    Sadio, je l’ai sorti de la rue il y a trois mois.

    Quelques rues plus loin, nouvel arrêt. La bénévole interroge le réceptionniste, avant de faire le tour des chambres : « Les garçons sont sages ? » Cette visite hebdomadaire est surtout l’occasion de rassurer et d’expliquer la situation. « On est reparti pour un mois, donc tu vas rester ici, et après on verra ce qu’on peut faire, explique Agathe à Samba. Je suis en train de m’occuper de ton recours, mais ça risque de prendre un peu de temps. » Un autre, Diallo, remonte la rue pour saluer les bénévoles. Il est logé depuis quelques jours dans un autre hôtel, car pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance après une hospitalisation. « Je t’ai apporté des livres avec tout un tas d’objets pour que tu puisses t’inspirer et continuer à dessiner », lui dit Léa. Elle, qui participe depuis quelques mois aux activités de l’association, est en lien étroit avec plusieurs jeunes, notamment pour leur apprendre le français.
    Et l’après-confinement ?

    Après la tournée des hôtels, les bénévoles rendent visite à des jeunes installés dans deux appartements. À Saint-Denis, ils sont quatre, âgés d’à peine 15 ans. « Je ne laisse seuls en appartement que ceux que je sais être suffisamment autonomes, indique Agathe Nadimi. Une amie habite dans l’immeuble. Elle monte tous les jours, voir comment ça va, leur apporter du pain frais. C’est difficile l’autonomie dans un appartement, surtout quand on ne peut pas en sortir. » Des provisions ont été achetées récemment, mais la petite équipe passe s’assurer que tout va bien et vérifier l’état de l’appartement. « Apparemment, ils ont tout rangé et nettoyé de fond en comble quand ils ont su que j’allais passer », constate avec un sourire Agathe Nadimi.

    La tournée s’achève dans le XIXe arrondissement, dans un appartement où logent trois garçons. « Ils ont accès à la télévision, à Internet et à de la nourriture, ils sont bien », résume-t-elle. Là aussi, les courses sont faites, les nouvelles prises et le moral plutôt bon. Pour l’heure, les jeunes mineurs suivis par le collectif sont à l’abri, mais l’après-confinement interroge. « Beaucoup seront à nouveau sans solution, s’inquiète Agathe Nadimi. Les relances auprès des tribunaux aboutissent peu, et nous n’avons toujours aucun signe des autorités. Heureusement que les associations n’ont pas prévu de s’arrêter. »