• Cerveau : l’autre champ de bataille du coronavirus | Les Echos
    https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/cerveau-lautre-champ-de-bataille-du-coronavirus-1205045

    [...] La capacité du coronavirus SARS-CoV-2 à pénétrer et endommager le cerveau est évidemment lourde de conséquences sur le plan sanitaire. Car les symptômes neurologiques du Covid-19 ne se réduisent pas aux céphalées et aux atteintes sensorielles heureusement temporaires (la durée médiane de l’anosmie est de deux semaines, ce qui correspond grosso modo au temps nécessaire aux cellules-souches de l’épithélium nasal pour refabriquer de nouveaux neurones sensoriels, venant remplacer ceux endommagés par le virus). Beaucoup de patients ont connu des épisodes de confusion profonde, au point de ne plus savoir qui ils étaient. Diverses études ont fait mention d’un large éventail d’autres symptômes, comme de l’ataxie (un manque de coordination fine des mouvements volontaires entraînant, par exemple, des troubles de la marche), des crises convulsives voire de véritables crises d’épilepsie, ou encore des pertes de conscience. Des cas d’AVC ont également été rapportés.
    Mais le plus préoccupant est peut-être ailleurs : sur le plan psychiatrique. La variété des symptômes décrits montre que des régions aussi diverses que le cervelet ou l’hippocampe sont potentiellement touchées. Si le système limbique, support des émotions, venait à l’être à son tour, de graves troubles de l’humeur pourraient s’en suivre, indépendamment de l’« agression psychique » qu’ont représentée pour beaucoup les mesures de confinement et de distanciation sociale : stress post-traumatique, anxiété, dépression, voire pensées suicidaires…
    Or, le système limbique semble bien prêter le flanc au virus, et même doublement. D’abord parce que le bulbe olfactif, dont on a vu qu’il était l’une des zones possiblement traversées par le virus dans le cerveau, lui est fortement interconnecté : pas besoin d’avoir lu Proust et son épisode de la madeleine pour savoir qu’odeurs et émotions sont étroitement liées. Ensuite et surtout parce que le tronc cérébral est lui-même fortement interconnecté avec le système limbique : c’est ce qu’ont mis en évidence des études sur des cas de troubles de l’humeur survenus après une septicémie. Tout cela laisse craindre, chez certains des rescapés du Covid-19, une prochaine dégradation de leur santé mentale et, possiblement, une hausse des cas de suicide. « La ’deuxième vague’ ne sera peut-être pas virale, mais psychiatrique », prévient Pierre-Marie Lledo.