• Levées de fonds record pour les start-up de la santé numérique
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/05/levees-de-fonds-record-pour-les-start-up-de-la-sante-numerique_6041865_3234.

    Entre janvier et mars 2020, les « healthtech » ont levé, dans le monde, un total de 8,2 milliards de dollars, en hausse de 76 % par rapport au premier trimestre 2019, selon Preqin.

    Si la pandémie de Covid-19 a rendu les acteurs du capital-investissement plus frileux, certaines jeunes pousses de la santé semblent presque étonnées quand on leur demande si elles ont peiné à lever des fonds dans cette période. « Cela a été très vite » , assure Thomas Clozel, le cofondateur d’Owkin, qui a annoncé, le 7 mai, avoir réuni 25 millions de dollars (22,2 millions d’euros), auprès de Bpifrance, de Cathay Innovation et de la Mutuelle d’assurances du corps de santé français.

    « On a signé à distance. C’était même plus simple » , déclare Jean-Charles Samuelian, PDG d’Alan, qui a collecté, le 19 avril, 50 millions d’euros auprès du singapourien Temasek, notamment : « Depuis, nous sommes contactés régulièrement par des investisseurs qui nous proposent de nous soutenir. »

    Point commun de ces deux pépites du numérique ? Elles sont montées au front dans la lutte contre le Covid-19. « La pandémie a confirmé la valeur de notre technologie, qui facilite la recherche collaborative, en analysant les données des hôpitaux sans se les approprier » , explique M. Clozel. Quant à Alan, une plate-forme d’accès aux soins centrée sur une assurance santé en ligne, elle a ajouté, « en quelques jours, des fonctionnalités – dont un vérificateur de symptômes – qui ont été très utilisés par [leurs] membres » , précise M. Samuelian.

    « Le Covid-19 donne un vrai coup d’accélérateur »

    « Certains secteurs peinent à collecter des capitaux depuis le début de la pandémie, mais ce n’est pas le cas en santé numérique , confirme Anne-Charlotte Rivière, associée du cabinet d’avocats Dechert. En ce moment, je travaille sur trois levées de fonds dans ce domaine, de 50 millions d’euros chacune. C’est une taille qui, il y a quatre ans encore, aurait été considérée comme exceptionnelle. »

    Entre janvier et mars 2020, les « healthtech » – ces jeunes pousses qui vont de la télémédecine aux applications pour diabétiques en passant par les logiciels de gestion du personnel pour les hôpitaux – ont levé, dans le monde, un total de 8,2 milliards de dollars, en hausse de 76 % par rapport au premier trimestre 2019, selon le fournisseur de données Preqin. « Le montant le plus élevé jamais atteint sur un trimestre. » « Les fonds spécialisés sur la tech se méfiaient du secteur de la santé, car il s’agit d’une activité très réglementée, loin de leurs réseaux habituels, avec la nécessité de conserver longtemps leur investissement. Mais ils veulent tous y investir désormais » , analyse Alain Decombe, qui dirige le bureau de Paris de Dechert.

    L’intérêt pour ce segment de la santé – dont le champion français est Doctolib – « n’est pas récent, mais le Covid-19 donne un vrai coup d’accélérateur. Les relations entre le patient et son médecin, entre le praticien et le monde de la santé sont en train de changer » , souligne Antoine Papiernik, président de la société de gestion Sofinnova Partners. « La pandémie a permis de convaincre des patients et des professionnels de santé. En trois mois, on a fait plus de progrès qu’en trois ans », abonde Valéry Huot, responsable du capital innovation chez LBO France.

    « Un des domaines les moins numérisés »

    Des consultations de dermatologues par visioconférences à la télésurveillance des malades du cancer, certaines habitudes prises ces deux derniers mois ne se perdront pas. « Le désengorgement des hôpitaux passera par un suivi des malades à domicile, s’appuyant sur une analyse des données permettant une médecine préventive » , plaide Yann Fleureau, cofondateur de CardioLogs, qui améliore le diagnostic cardiaque grâce à l’intelligence artificielle et au « big data ». En mai, la jeune pousse a lancé une étude sur la surveillance cardiovasculaire des malades du Covid-19 en lien avec une montre connectée. « Cela nous a valu des marques d’intérêt de plusieurs fonds d’investissement » , ajoute son promoteur.

    Que ce soient la recherche, les essais cliniques, l’anatomopathologie ou l’administration des hôpitaux, le champ des améliorations possibles apparaît immense. « Malgré tous les progrès médicaux, la santé reste un des domaines les moins numérisés. Mais, comme le patient n’est pas habitué à débourser de l’argent pour se faire soigner, cela complique l’équation économique. Les start-up doivent trouver un produit ou un service pour lequel les médecins, les assureurs ou des laboratoires pharmaceutiques sont prêts à payer » , prévient M. Huot.

    La promesse d’un « plan massif d’investissement » dans le cadre du Ségur de la santé lancé par le gouvernement suscite beaucoup d’espoir. « La pandémie a permis d’accélérer l’adoption de bon nombre d’innovations en santé quand tous les acteurs de la chaîne se sont mobilisés au-delà de leurs intérêts particuliers, espérons que cette tendance soit durable » , conclut M. Fleureau.

    #économie #santé #healthtech #données_de_santé