Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • (6) Didier Raoult, général Boulanger de la médecine - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2020/06/01/didier-raoult-general-boulanger-de-la-medecine_1789960

    Et voilà comment dans un pays sans culture de santé publique, où la science est une opinion comme une autre, un grand patron autoritaire et caractériel, symbole d’un système mandarinal, est devenu une figure de la contre-culture populiste. A son avantage, il bénéficie de l’indigence absolue de la gestion gouvernementale de la crise, et d’une communication hors-sol qui heurte le bon sens. La minimisation du risque pandémique, la condescendance ministérielle envers les expériences chinoise et italienne, les mensonges répétés sur l’inutilité des masques ou des tests, tout ceci a laissé la porte ouverte à un homme d’une extrême vanité, qui va à la fois jouer le dedans et le dehors, mettre en avant son gros impact factor, et sa capacité à éclater les codes méthodologiques usuels.

    Tétanisés par son assurance, incapables de lui opposer autre chose qu’un conseil scientifique qui fait où on lui dit de faire (comme lors du maintien du premier tour des municipales), les gouvernants restent muets. Et alors que Raoult et son équipe se livrent à des expérimentations humaines hors-cadre, publiant dans des revues amies des études indigentes, maquillant des études interventionnelles en études observationnelles, les agences sanitaires se distinguent par leur silence embarrassé.

    Il faudra attendre le 23 mai, soit trois mois après les premières sorties de Didier Raoult, pour qu’un ancien vice-président de la commission des autorisations de mise sur le marché à l’Agence française du médicament, le Pr Jean-François Bergmann, s’avance courageusement – sarcasme – pour annoncer dans le Parisien : « On peut le dire haut et fort, le Pr Raoult se trompe ! » OK boomer, bienvenue aux résistants de 1946… Mais pourquoi n’avoir pas réagi plus tôt aux innombrables violations scientifiques dont s’est rendue coupable l’équipe Raoult ? Réponse magique – sarcasme, quand tu nous tiens : « On s’est tus avec élégance. »

    La longue liste de politiques ayant cautionné les thèses de Didier Raoult n’est plus à faire. Au prétexte de l’urgence, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, assène le 22 mars : « De toute façon, qu’est-ce qu’on risque ? Les gens meurent. » Christian Estrosi, maire LR de Nice, déclare le 23 mars : « On n’a pas le temps de tester sur des souris pendant six mois. » Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, déclarera le 30 mars : « Je pense qu’il faut tout de suite donner la possibilité à tous les médecins de ville de le prescrire. » Et, jamais en reste, Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne et président du parti Debout la France, martèlera le 6 avril : « Chaque jour perdu est un crime ! Je le dis. Je le répéterai. » Au moins ont-ils l’honnêteté de ne pas effacer leurs tweets, à la différence de Ségolène Royal, qui dénonçait le 23 mars : « C’est urgent ! Pourquoi ces hésitations bureaucratiques incompréhensibles ? »

    Ce qui est fascinant ici, chez ces politiques censés légiférer sur la chose publique, c’est l’absence de toute compétence médicale, de toute culture scientifique. Qu’un mandarin barrisse plus fort que les autres, et ils se mettront en ordre de marche derrière lui, comme le fera Michel Onfray.

    #Didier_Raoult #Fake_science #Chloroquine